Epidémiosurveillance en santé animale

Petit coléoptère des ruches en Italie – Etat des lieux en 2017 et plan de surveillance pour 2018

Marion Laurent1, Stéphanie Franco1, Véronique Duquesne1, Marie-Pierre Chauzat1, Pascal Hendrikx2, Marie-Pierre Rivière1
Auteur correspondant : marion.laurent@anses.fr

1Anses Sophia Antipolis, Unité Pathologie de l’Abeille, Sophia Antipolis, France
2Anses Lyon, Unité de coordination et d’appui à la surveillance, Lyon, France

Les auteurs remercient Emmanuel Garin (Coop de France) pour sa traduction du programme de surveillance italien et sa relecture.

Le petit coléoptère des ruches, Aethina tumida Murray, a été détecté pour la première fois en Europe le 5 septembre 2014 à Gioia Tauro dans la région de Calabre (Italie). Une zone de protection (20 km) et une zone de surveillance (100 km) ont immédiatement été mises en place autour de ce foyer. Suite aux inspections conduites, 60 ruchers et un essaim naturel infestés ont été découverts, dont un cas situé en Sicile (rucher ayant transhumé en Calabre au cours de la saison apicole 2014). L’ensemble de ces foyers (excepté celui mis en évidence en Sicile) était situé dans la première zone de protection de 20 km établie autour du foyer initial.

Depuis le 12 décembre 2014, plusieurs décisions communautaires ont été émises, établissant des mesures de protection vis-à-vis du petit coléoptère des ruches en Italie dans les régions de la Calabre et la Sicile. La décision (UE) 2017/370 du 1er mars 2017 étend la période d’application de ces mesures de protection jusqu’au 31 mars 2019.
La surveillance a repris au printemps 2015 dans les régions de Calabre et de Sicile, mais aussi dans le reste du territoire italien indemne de l’infestation. Depuis, cette surveillance est renouvelée chaque année. En 2015, des ruchers sentinelles[1] ont été mis en place pour permettre une détection précoce du petit coléoptère des ruches. Au cours de l’automne-hiver 2015, A. tumida a été détecté à nouveau dans 29 ruchers et deux ruchers sentinelles situés dans la zone de protection.

En 2016, 40 ruchers, un essaim naturel et six ruchers sentinelles ont été détectés positifs. Les ruchers sentinelles ont été détectés entre avril et novembre 2016. Cinq ruchers ont été détectés entre juillet et septembre 2016, dans la province de Cosenza (située dans la région de Calabre) à environ 100 km au nord de la première zone de protection établie en septembre 2014. Ces ruchers appartenaient au même apiculteur et se situaient dans un rayon de 3 km. Une interdiction de mouvements dans un rayon de 10 km autour des foyers et une surveillance active dans un rayon de 1 km autour du foyer primaire ont été mises en place. L'enquête épidémiologique a révélé que l'apiculteur avait transhumé des colonies des municipalités de Cosenza vers une zone proche de la zone de protection et les avait ensuite ramenées dans la province de Cosenza, illustrant la dissémination du petit coléoptère des ruches par les mouvements apicoles.
Les autres ruchers détectés positifs étaient tous situés dans la zone de protection et ont été découverts à l’automne-hiver 2016.
Aucun autre foyer n’a été détecté en Sicile depuis 2014.

Pour plus d’information sur la situation en Italie, vous pouvez consulter l’article écrit sur le sujet pour le Bulletin épidémiologique ainsi que les avis rendus par l’Anses fin 2017 et début 2018 sur les mesures de surveillance et de lutte contre A. tumida appliquées en Italie. Les références à ces trois documents se trouvent en fin d’article.

Etat des lieux en Italie en 2017
En Calabre
En 2017, 483 ruchers ont été inspectés en Calabre. Entre mars et septembre 2017, cinq ruchers appartenant à des apiculteurs et six ruchers sentinelles ont été détectés comme étant infestés par A. tumida (Figure 1). Des spécimens adultes ont été principalement retrouvés mais des larves ont également été observées dans deux de ces ruchers.
Parmi ces onze ruchers infestés :
    - trois ruchers appartenant à des apiculteurs et quatre ruchers sentinelles se situaient dans la zone de protection de 20 km établie autour de Gioia Tauro en septembre 2014,
    - un rucher se situait à environ 10 km de cette zone de protection sur la côte ionienne, dans la municipalité de Stignano (province de Vibo Valentia), ce qui a conduit en avril 2017 à une extension de la zone de protection à 30 km. Une partie de la province de Vibo Valentia a, de ce fait, été incluse dans cette nouvelle zone de protection et de nouveaux ruchers sentinelles ont été positionnés sur la côte Est de la Calabre. Un de ces ruchers sentinelles, situé dans cette même municipalité de Stignano, a été détecté positif en juin. L’enquête épidémiologique n’a pas permis d’identifier l’origine de cette dissémination,
   - un rucher détecté positif correspondait à un essaim naturel localisé dans la partie sud-ouest de la zone de protection. Il se situait à environ 7 km d'un rucher sentinelle découvert positif et a conduit à un élargissement de la zone de protection à une petite partie de la Sicile (Figure 1).

Figure 1. Zones de protection en Calabre au 30 Novembre 2017

 

 

Figure 1. Zones de protection en Calabre au 30 Novembre 2017 (source : Istituto Zooprofilattico Sperimentale delle Venezie, 2017). Vous pouvez cliquer sur l'image pour avoir accès à la carte.

Dans la province de Cosenza
Depuis septembre 2016 et à ce jour, aucun nouveau foyer n'a été détecté dans la province de Cosenza. Des ruchers sentinelles ont été mis en place et des visites régulières ont été organisées (Figure 2). Cela montre que les mesures mises en œuvre semblent avoir été efficaces pour prévenir l’apparition de nouveaux foyers et qu'une intervention précoce est essentielle pour parvenir à une éradication dans un territoire.

Figure 2. Zone de protection à Cosenza au 30 novembre 2017

Figure 2. Zone de protection à Cosenza au 30 novembre 2017 (source : Istituto Zooprofilattico Sperimentale delle Venezie, 2017)

En Sicile
En 2017, 336 ruchers ont été inspectés en Sicile dans le cadre de la surveillance programmée. Aucun nouveau cas n’a été découvert.

La première détection d’A. tumida dans les ruchers appartenant à des apiculteurs ou sentinelles a été plus précoce en 2016 (fin avril) et 2017 (mars) par rapport aux années précédentes où les premières détections ont été rapportées en juillet / septembre.
La découverte d’A. tumida sur la côte Est de la Calabre montre une extension de l’infestation au-delà de la zone de protection en vigueur à l’époque. Cependant, depuis la dernière détection en juin 2017, aucun nouveau cas n’a été reporté dans cette zone. L'enquête épidémiologique effectuée n'a pas pu définir clairement l’origine de cette dissémination.
La décision (UE) 2017/370 du 1er mars 2017 a prolongé la période d'application des mesures de protection jusqu'au 31 mars 2019 pour la Calabre et a retiré toute la région de la Sicile de la liste des zones soumises à des mesures de protection en Italie.

Programme de surveillance prévu en Italie pour 2018
La surveillance du petit coléoptère des ruches a repris en 2018. Le ministère de la Santé, responsable de cette surveillance, a mis en ligne le programme national de surveillance prévu pour 2018 sur le site internet du laboratoire national de référence italien sur la santé des abeilles (Istituto Zooprofilattico Sperimentale delle Venezie). Le tableau 1 fait le bilan de la prévalence limite[2] utilisée dans les différents territoires et régions d’Italie en 2018 pour déterminer le nombre de ruchers à échantillonner et de colonies à visiter dans chaque rucher sélectionné.

 

Comme les années précédentes, le dispositif de surveillance national est basé sur :
         1) des inspections cliniques dans des ruchers sélectionnés au hasard sur tout le territoire italien (leur nombre est fixé sur la base d’une prévalence limite de 2 % avec un intervalle de confiance de 95 % et une sensibilité de la méthode d’inspection clinique des colonies de 90 %).
Le nombre de colonies à inspecter dans les ruchers se base sur une prévalence attendue d’infestation de 5 % avec un intervalle de confiance de 95 % contrairement aux années précédentes où la prévalence limite retenue était de 2 %. Il est difficile d’évaluer la pertinence de ce choix, qui répond à des contraintes de faisabilité opérationnelle, car les données relatives au contexte de l’introduction en Italie ne sont pas disponibles. Cependant, il est à noter que ce changement de prévalence limite diminuera la sensibilité de détection des cas et par conséquent la surveillance.   

        2) des inspections cliniques dans les ruchers à risque, associées à la mise en place de pièges. La sélection de ces ruchers à risque (par exemple ruchers transhumants, ruchers recevant du matériel biologique d’autres régions que la leur, ruchers d’apiculteurs en possédant dans différentes régions) se base sur les résultats d’une évaluation de risque réalisée par le gouvernement italien (données non disponibles).

        3) des ruchers sentinelles situés dans les zones entourant les principaux ports par lesquels l'Italie importe du bois de plusieurs pays africains. Cette disposition est mise en place au regard de l’origine africaine des spécimens détectés dans le Sud de la Calabre.
Il est à noter dans ce programme de surveillance 2018 que de nouveaux contrôles seront mis en place dans des mielleries recevant des cadres de hausse provenant de zones extérieures à leur région. Les cadres de hausse seront inspectés avant extraction du miel pour détecter la présence de spécimens de larves ou d’adultes d’A. tumida.

Comme les années précédentes, dans la région de Calabre spécifiquement, la surveillance repose sur :
        1) l’inspection programmée de ruchers sélectionnés au hasard dans une zone de protection comprenant les provinces de Reggio Calabria et de Vibo Valentia. Le nombre de ruchers à inspecter une fois par an est basé sur une prévalence limite de 10 % avec un intervalle de confiance de 95 % et une sensibilité de la méthode analytique de 90 %. Il est à noter que la prévalence limite a été relevée (elle était de 5 % les années précédentes). Ce changement traduit un allègement du dispositif, puisque le nombre de ruchers à inspecter sera moindre, amenant une probabilité de détection de l’infestation moins élevée et de ce fait une intensité de la surveillance moindre.
Des ruchers sentinelles seront également installés dans et autour de la zone de protection, et inspectés tous les vingt jours : 
- 30 ruchers dans la province de Reggio di Calabria répartis de la façon suivante : à proximité du détroit de Messine (en face de la Sicile), le long de la côte ionienne et à la frontière avec les provinces de Vibo Valentia et de Catanzaro au nord,
- douze ruchers dans la province de Vibo Valentia, répartis sur le territoire de la province et à la frontière avec la province de Catanzaro.

       2) l’inspection programmée de ruchers dans une zone de protection de 10 km autour du foyer initial dans la province de Cosenza. Le nombre de ruchers à inspecter de façon annuelle est basé sur une prévalence limite d'infestation de 5 % avec un intervalle de confiance de 95 % et sur une sensibilité de la méthode d’inspection clinique des colonies de 90 %. Le protocole de surveillance prévoit que des ruchers sentinelles puissent être installés et inspectés en remplacement de ruchers « d’apiculteurs ». Leur nombre ne doit cependant pas dépasser la moitié du nombre total de ruchers à inspecter dans la zone.

       3) l’inspection programmée de ruchers dans une zone de surveillance incluant le reste du territoire de la Calabre avec l’inspection de 164 ruchers sélectionnés au hasard (correspondant à une prévalence limite d’infestation de 2 % avec un intervalle de confiance de 95 %). De même que pour la zone de protection définie dans la province de Cosenza, des ruchers sentinelles peuvent être utilisés à la place des ruchers « d’apiculteurs » pour atteindre les objectifs d’inspection (comme précédemment, leur nombre ne doit pas dépasser la moitié de l’effectif de ruchers à inspecter).

La surveillance est maintenue en Sicile, bien que la Sicile ait été retirée de la liste des zones soumises à des mesures de restriction par la Commission européenne. Elle est basée sur des inspections cliniques dans des ruchers sélectionnés au hasard (leur nombre est fixé sur la base d’une prévalence limite de 2 % avec un intervalle de confiance de 95 %). Il est à noter que le nombre de colonies à inspecter dans les ruchers se base sur une prévalence limite d’infestation de 5 % (avec un intervalle de confiance de 95 %) contrairement aux années précédentes où la prévalence limite retenue était de 2 %. La surveillance par des ruchers sentinelles est par ailleurs maintenue en Sicile.

Tableau 1. Synthèse de la prévalence limite appliquée dans le cadre du programme national de surveillanc

Tableau 1. Synthèse de la prévalence limite appliquée dans le cadre du programme national de surveillance d’A. tumida pour 2018 selon le territoire ou la région concernée d’Italie. IC : intervalle de confiance. (source : Istituto Zooprofilattico Sperimentale delle Venezie, 2018)

Le protocole de surveillance recommande enfin que les ruchers sentinelles soient équipés de pièges de type Better Beetle Blaster® afin de faciliter la détection du petit coléoptère des ruches. En cas de détection d’A. tumida, le dispositif prévoit une intensification de la surveillance dans un rayon de 3 km autour des ruchers sentinelles.

Le programme de surveillance pour 2018 s’inscrit dans la continuité des dispositions mises en place les années précédentes. La surveillance reste renforcée dans les zones considérées comme indemnes (Sicile et Italie continentale, hors zones de protection en place dans la région de Calabre) afin de s’assurer du statut de ces territoires et de l’absence d’extension de l’infestation par le petit coléoptère des ruches dans ces zones.
L’allègement de la surveillance des ruchers dans la zone de protection et l’utilisation des ruchers sentinelles, situés à des endroits stratégiques, semblent indiquer une évolution des objectifs du dispositif dans cette zone vers un contrôle de la circulation d’A. tumida et un confinement de l’infestation dans la zone de protection.
La réapparition régulière de foyers depuis 2014 indique l’installation du petit coléoptère des ruches dans cette zone.

Sources


[1]  Un rucher sentinelle est composé de deux nuclei. Chaque nucleus est une petite colonie d’abeilles comprenant 5 cadres de couvain, du miel et du pollen.
 

[2] Une prévalence limite avec un intervalle de confiance à 95% est la prévalence la plus faible pour la détection d’une maladie avec une probabilité de 95% dans une taille d’échantillon donnée. Une prévalence de maladie supérieure à cette prévalence limite sera détectée avec une probabilité supérieure à 95%.