Epidémiosurveillance en santé animale

Identification d’une nouvelle souche de Bornaviridae à potentiel zoonotique en Allemagne

Muriel Coulpier, Stéphan Zientara

UMR 1161 INRA-ANSES-ENVA, Virologie, Equipe Neuro-Virologie des Zoonoses, Maisons-Alfort

photos: François Moutou

L’ECDC (European Center for Disease Prevention and Control) a récemment rapporté le cas de trois détenteurs d’écureuils multicolores (Sciurus variegatoides) décédés des suites d’une encéphalite. Les trois patients, âgés de 62 à 72 ans, tous originaires de Basse Saxe (Allemagne), ont été hospitalisés dans un service de neurologie où leur état s’est rapidement détérioré malgré l’administration de soins intensifs.

 

La recherche d’un agent pathogène responsable s’est d’abord avérée infructueuse. L’institut Friedrich Loeffler (Ile de Riems, Allemagne) a alors procédé à une analyse par approche métagénomique (recherche sans à priori de séquences génomiques d’agents pathogènes) des tissus provenant d’un écureuil mort appartenant à l’un des patients. Cette approche a révélé des séquences apparentées au virus de Borna.



Les analyses du tissu cérébral des trois patients ont ensuite révélé la présence de séquences identiques, suggérant un lien de causalité entre l’infection par ce virus et le développement d’encéphalites chez les patients.

Ce lien de causalité ainsi que le lien épidémiologique entre l’écureuil et l’homme doivent cependant faire l’objet d’études complémentaires avant d’être affirmés. Ainsi, les hôtes naturels, réservoirs et voies de transmission devront être recherchés. Actuellement, les tissus cérébraux collectés par les bio-banques allemandes et provenant de patients ayant développé une encéphalite d’origine non identifiée sont ré-analysés et le virus Borna-like est recherché.

L’écureuil multicolore n’a été introduit que récemment en Europe. Originaire d’Amérique centrale, il n’est pas clair à l’heure actuelle si l’infection a eu lieu dans son pays d’origine ou en Allemagne, via un contact avec un animal réservoir local. Cette seconde hypothèse peut être privilégiée en raison de l’existence bien connue de souches apparentées de virus de Borna en Allemagne (et plus généralement en Europe centrale) mais reste à démontrer. Aucune recherche n’a pour l’instant été menée en Amérique centrale. Les autres écureuils multicolores en provenance de zoo ou d’éleveurs allemands qui ont été testés se sont avérés négatifs pour l’instant.

L'écureuil multicolore n’est pas une espèce présente en France et sa commercialisation est interdite (communication du Dr Chapuis JL, Muséum national d'histoire naturelle). Il y a donc peu de risques d'en rencontrer dans nos forêts ou ailleurs. Toutefois, si ce devait être le cas, et en attendant que des études complémentaires déterminent sa dangerosité, l’ECDC conseille fortement d’éviter les contacts avec ces animaux, qu’ils soient vivants ou morts ainsi que le contact avec leurs sécrétions (le contact olfactif est la principale voie de transmission du virus de Borna).

L’apparition de cette nouvelle souche de Bornaviridae a eu lieu en Basse Saxe, une région emblématique pour le virus de Borna car c’est là qu’il a été découvert en 1895 suite à une épizootie chez les chevaux de la ville de Borna (dont il a pris le nom). Bien qu’endémique dans cette région, le virus de Borna ne circule qu’à bas bruit et n’est responsable que de quelques cas cliniques par an chez les chevaux et autres mammifères (bovins, canidés). Des études sérologiques ont suggéré qu’il pourrait également circuler en France, cependant aucun cas clinique, équin ou autre, n’a pu être démontré dans notre pays. Le risque zoonotique associé au virus de Borna a été évoqué sans qu’aucune preuve formelle ait pu être fournie à ce jour. Est-ce que ces trois cas humains, infectés par une nouvelle souche de Bornaviridae, vont fournir la démonstration du risque zoonotique associé aux virus de cette famille ? Des travaux supplémentaires doivent être réalisés avant de pouvoir l’affirmer. En France, deux équipes travaillent sur les Bornaviridae, leur potentiel zoonotique, leur impact sur le cerveau, et leur présence en France.

Pour plus d’information, merci de contacter Muriel Coulpier (coordonnées ci-dessous).

UMR 1161 INRA-ANSES-ENVA, Virologie,

Equipe Neuro-Virologie des Zoonoses,

Ecole Nationale Vétérinaire d'Alfort, 7 Av du Gal de Gaulle, 94704 Maisons-Alfort

Phone + 33 01 43 96 70 46

Fax     + 33 (0)1 43 96 73

Mail : mcoulpier@vet-alfort.fr

Figure 1 souche de Bornaviridae à potentiel zoonotique
Figure 2 souche de Bornaviridae à potentiel zoonotique
Figure 3 souche de Bornaviridae à potentiel zoonotique
Figure 4 souche de Bornaviridae à potentiel zoonotique