Bilan de la situation épidémiologique de l’influenza aviaire au niveau mondial
Pour la VSI (par ordre alphabétique) : Anne Bronner (DGAL), Didier Calavas (Anses), Julien Cauchard (Anses), Alizé Mercier (Cirad)
Pour l’ONCFS : Anne Van De Wiele
Auteur correspondant : alize.mercier@cirad.fr
Source : Rapport de situation de l’OIE sur l’influenza aviaire (au 28 février 2018) (http://www.oie.int/fileadmin/Home/eng/Animal_Health_in_the_World/docs/pdf/OIE_AI_situation_report/OIE_SituationReport_AI_February2018.pdf)
Cette note est une traduction de certains extraits sélectionnés par la cellule d’animation de la VSI du rapport de situation de l’OIE. Pour plus d’information, merci de se référer au rapport OIE.
L’épidémiologie de l’influenza aviaire (IA) est complexe. Les virus évoluent constamment et le comportement de chaque nouveau sous-type (et de chaque souche au sein d’un même sous-type), les risques qu’ils représentent, et les mesures de lutte mises en place peuvent varier d’un pays à l’autre.
Depuis 2005, l’épidémiologie de l’IA a été caractérisée par deux panzooties. La première vague panzootique a débuté en 2004, avec un pic en 2006 suivi d’une diminution de l’activité virale jusqu’en 2012. Une deuxième vague est actuellement en cours depuis 2013, avec un pic observé en 2015.
Depuis 2013, toutes les régions du monde ont été touchées par l’influenza aviaire hautement pathogène (IAHP) avec 68 pays et territoires atteints. Les régions les plus touchées sont l’Europe et l’Asie. Plusieurs pays d’Afrique sont touchés, et l’IAHP circule dans le continent Nord-Américain tout en étant presqu’absent de l’Amérique centrale et de l’Amérique du Sud. Sur cette période, douze différents sous-types d’IA ont été identifiés. La diversité virale la plus importante a été signalée en Europe (7 sous-types), suivi de l’Asie et des Amériques (6 sous-types chacun), de l’Afrique (3 sous-type) et de l’Océanie (1 sous-type). Les sous-types H5N1, H5N2 et H5N8 ont été les plus répandus géographiquement, identifiés dans quatre des cinq régions du monde.
Tableau 1. Distribution régionale des sous-types d'IAHP détectés chez des oiseaux domestiques de janvier 2013 à janvier 2018 (source : OIE)
Situation globale actuelle (au 28 février)
Ces cinq dernières années, la situation de l’IAHP est considérée comme exceptionnelle pour au moins trois raisons :
- le nombre élevé de pays et territoires touchés par l’IAHP au sein des élevages d’oiseaux,
- le nombre élevé de foyers déclarés sur cette période (exploitations commerciales ou basses-cours), et
- la diversité importante des sous-types circulant, ce qui complique le contrôle et l’éradication de la maladie.
En février 2018, onze pays et territoires de quatre régions du monde (Europe, Afrique, Amériques et Asie) avaient au moins un évènement IA en cours dans la base de données WAHIS de l’OIE : le Cambodge, la Chine, le Taipei chinois, l’Inde, l’Iraq, la République de Corée, le Mexique, les Pays-Bas, l’Arabie Saoudite, l’Afrique du Sud et le Vietnam.I
Impact dans les élevages
La Figure 1 présente la dynamique des foyers d’IAHP au sein des élevages depuis 2005. Des pics importants ont été observés en 2006 (1 841 foyers), en 2008 (1 954 foyers), en 2015 (2 454 foyers) et en 2017 (1 830 foyers).
Figure 1. Nombre de foyers d'IAHP déclarés au sein d'élevage chaque mois, de janvier 2005 à février 2018 (source : OIE)
La réémergence de l’IAHP en 2013 a entraîné de nombreux foyers dans les élevages de volailles et donc des pertes importantes à l’échelle mondiale (oiseaux morts ou abattus) estimées à 120 millions d’oiseaux depuis janvier 2013. Plus de la moitié (57 %) des pertes ont eu lieu en Asie, suivie par les Amériques (24 %) et l’Europe (12 %).
H7N9 : mutation FP-HP et présence en Chine et aux Etats-Unis
Le virus faiblement pathogène (FP) H7N9 a été détecté pour la première fois au sein d’un élevage de volailles en Chine en 2013, et continue de circuler actuellement dans plusieurs provinces du pays. Depuis, le virus a aussi été responsable de plusieurs cas sporadiques d’infection chez l’Homme, et plus de 1 600 cas humains ont été signalés par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) au 28 février 2018. Les marchés d’oiseaux vivants restent la principale source de propagation du virus entre oiseaux domestiques, et de transmission des oiseaux à l’Homme. Jusqu’à présent, la Chine a connu cinq vagues épizootiques d’H7N9.
En février 2017, le virus H7N9 FP a muté pour devenir hautement pathogène (HP) au sein des élevages de volailles. Cette nouvelle souche HP s’est propagée à d’autres provinces de Chine au sein d’élevages et a entraîné une augmentation du nombre de cas humains lors de cette cinquième vague.
En mars 2017, les Etats-Unis ont détecté au sein d’un élevage de poulets un virus H7N9 HP. Une analyse complète de la séquence génomique du virus a révélé que le virus était différent du virus H7N9 circulant en Chine. Suite à l’abattage des oiseaux de l’exploitation et la mise en place d’une surveillance renforcée, les autorités américaines ont clôturé l’évènement le 11 août 2017.
H5N1 : circulation en Asie et en Afrique
Le virus H5N1 HP de lignée asiatique continue d’être détecté en Asie et en Afrique, chez des oiseaux domestiques et sauvages. Le virus est devenu enzootique en Asie et en Afrique, et continue d’être responsable de nombreux foyers au sein d’élevages, ainsi que de cas humains sporadiques. Au 28 février 2018, 860 cas humains avaient été signalés par l’OMS dans seize pays et territoires. Tous les cas d’infection humaine par le H5N1 ont été associés à des contacts directs avec des oiseaux infectés vivants ou morts, ou avec des environnements contaminés par le virus H5N1.
H5N8 : le role des migrations d’oiseaux
Des foyers d’IAHP H5N8 continuent d’être déclarés par quelques pays en Europe, en Afrique, au Moyen-Orient et en Asie, au sein d’élevages et dans l’avifaune sauvage. Certains de ces pays sont traversés par des routes migratoires qui attirent beaucoup d’oiseaux sauvages, ce qui représente un risque de propagation du virus le long de ces routes.
La plupart des migrations d’oiseaux sauvages à travers l’Europe, l’Afrique et l’Asie prennent fin après l’hiver. Alors que les lieux d’hivernage de ces oiseaux migrateurs sont souvent stables, certains facteurs comme les conditions météorologiques, les ressources en nourriture ou l’accès à des points d’eau peuvent entraîner d’autres mouvements au sein d’une région.
H5N6 : émergence en Chine et détection d’une nouvelle souche
Les virus H5N6 HP ont été identifiés pour la première fois en Chine en 2013, et ont été détectés depuis dans plusieurs pays d’Asie. La lignée asiatique d’H5N6 HP entraîne des signes cliniques et une mortalité associée au sein des élevages de volailles. Les virus H5N6 ont aussi été responsables d’infections humaines, dont plusieurs décès. Un total de dix-neuf cas humains de H5N6 confirmés en laboratoire, dont six décès, a été déclaré par la Chine à l’OMS depuis 2014.
Actuellement, une nouvelle souche de virus H5N6 HP est apparue et est actuellement responsable de foyers en Asie et en Europe. Ces virus sont différents des virus H5N6 associés aux infections humaines en Chine. La détection de cette nouvelle souche de virus H5N6 chez des espèces d’oiseaux migrateurs représente une menace pour la propagation du virus au sein de l’avifaune sauvage en Asie et en Europe, ainsi qu’en dehors de ces régions.
H5N2 : émergence dans le Taipei chinois et détection en Russie
Des foyers et des cas d’H5N2 HP continuent d’être signalés dans le Taipei chinois depuis l’émergence du virus en 2012. En décembre 2017, la Russie a déclaré un premier foyer d’H5N2.
La pathogénicité de ces virus H5N2 varie selon les élevages et entraîne des pertes importantes dans l’industrie de la volaille.
Conclusion
La saison de l’hiver dans l’hémisphère Nord est habituellement associée à un risque accru d’IA. En 2017-2018, il y a eu de nombreuses émergences et réémergences des virus H5N8 et H5N6 en Asie, en Europe et au Moyen-Orient. Comme l’indiquent les nouveaux foyers au sein d’élevages en Iraq, au Japon, en République de Corée et en Arabie Saoudite, l’étendue géographique de ces sous-types continue d’augmenter.
Malgré l’existence de tendances saisonnières, le risque reste présent toute l’année car ces virus se sont établis de manière durable au sein des populations d’oiseaux.