Bilan de la situation relative à la FCO à sérotype 4 (FCO-4) en Corse au 10 août 2017
Fanny Pandolfi 1*, Gina Zanella 2, Emmanuel Bréard 3, Corinne Sailleau 3, Lisa Cavalerie 1, Marie Grandcollot-Chabot 1, Sidonie Lefebvre 4, Didier Calavas 5*, Anne Bronner 1*
Auteur correspondant : (link sends e-mail)fanny.pandolfi@agriculture.gouv.fr
1 DGAl, Bureau de la santé animale, Paris, France
2 Anses, Unité d’Epidémiologie, Laboratoire de santé animale, Maisons-Alfort, France
3 Anses, Laboratoire de santé animale, LNR FCO Maisons-Alfort, France
4 Service régional de l'Alimentation, DRAAF Corse, Ajaccio, France
5 Anses, Laboratoire de Lyon, Unité Epidémiologie, Lyon, France
* Membre de l’équipe de coordination de la Plateforme ESA
HISTORIQUE DE LA MALADIE
La fièvre catarrhale ovine (FCO) est une maladie vectorielle due au virus Bluetongue (BTV) transmise par des moucherons du genre Culicoïdes. On connaît aujourd’hui 27 sérotypes du BTV (Maan et al., 2015 ; Zientara et al., 2015). La Corse a été exposée à de nombreuses incursions de virus BTV, impliquant le sérotype 2 en 2000, le sérotype 4 en 2003, le sérotype 16 en 2004 et le sérotype 1 en 2013 (Sailleau et al., 2015). Ces quatre sérotypes avaient été détectés suite à des suspicions cliniques sur ovins et étaient préalablement présents en Sardaigne. Concernant le sérotype 4, une étude avait notamment montré que ce sérotype circulait en Corse depuis mai 2003, bien que détecté qu’en octobre 2003 suite à une suspicion clinique (Gerbier et al., 2008).
Le sérotype 4 est à nouveau apparu en janvier 2016 en Sardaigne, puis en décembre 2016 en Corse (Sailleau et al., 2017). La vaccination contre le BTV-4, en plus de la vaccination déjà réalisée contre le sérotype 1, avait été rendue obligatoire en Corse et financée par l'Etat suite aux premiers cas déclarés en Sardaigne. Les arrêtés encadrant et permettant le financement de la vaccination BTV-4 ont été signés le 15 septembre 2016, et les vaccins BTV4 étaient disponibles dès mai 2016 (Calavas, 2016).
DECOUVERTE DU PREMIER FOYER DE FCO-4 EN 2016
Le premier foyer a été suspecté en novembre 2016 à Bonifacio en Corse du Sud, dans un élevage mixte ovins-caprins et confirmé par le LNR (laboratoire national de référence) de l’Anses Maisons-Alfort. Neuf brebis avaient présenté des signes cliniques, causant la mort de huit d’entre elles. La direction départementale en charge de la protection des populations (DDecPP) a alors mis en place des mesures pour prévenir la propagation de la maladie : surveillance renforcée de l'élevage concerné avec interdiction de sortie des animaux. Cette incursion n’a pas modifié les conditions de gestion de la FCO en Corse, car la Corse était déjà en territoire réglementé vis-à-vis de ce sérotype. La surveillance programmée (cf. infra) a donc continué à être mise en œuvre pour détecter le plus précocement possible la circulation du virus et déterminer sa répartition sur le territoire corse.
En 2017, des foyers ont été confirmés en Corse, dès le mois de mars, chez des bovins sans signes cliniques, dans le cadre de la surveillance programmée.
MODALITES DE SURVEILLANCE
Surveillance programmée
Un dispositif de surveillance programmée a été mis en place en Corse en juillet 2013 pour démontrer l'absence de circulation virale et recouvrer un statut indemne sur le territoire corse vis-à-vis des sérotypes 1, 2, 4, 8 et 16. Le protocole permet de détecter une prévalence d'infection supérieure ou égale à 5 %, avec un intervalle de confiance de 95 % dans chaque département corse. Elle repose sur l'analyse de 60 animaux (en privilégiant les bovins âgés de 6 à 12 mois non vaccinés, sélectionnés de façon aléatoire parmi ceux provenant d’une exploitation située dans le même département que l’abattoir) par département et par mois prélevés à l'abattoir tout au long de l’année. Les prélèvements de sang sur EDTA sont effectués directement à l'abattoir. Ils sont transmis ensuite au LNR pour réaliser une analyse par RT-PCR de groupe, permettant la détection du virus BTV, tous sérotypes confondus. En cas de positivité, le LNR réalise l'isolement viral et identifie le sérotype du virus.
Surveillance événementielle (clinique)
La surveillance événementielle (clinique) a été renforcée par des messages de sensibilisation auprès des éleveurs et vétérinaires. Elle repose sur l’analyse par RT-PCR de tout animal présentant des signes cliniques suspects de FCO avec l'obligation de signaler l’événement à la DDecPP.
Enquêtes
Des enquêtes ont été réalisées en mars et en avril 2017. Elles sont conduites en cas de résultats faiblement positifs en RT-PCR (surveillances clinique et programmée), pour connaître le niveau de protection immunitaire d’un élevage, ou suite à un résultat positif sur animal importé d’une zone infectée par le BTV.
Pour les trois modalités de surveillance, un élevage est considéré comme infecté si au moins un animal présente un résultat positif en RT-PCR de groupe. Le sérotype est systématiquement déterminé par des RT-PCR spécifiques.
BILAN DES FOYERS AU 10/08/2017
Depuis janvier 2017, toutes modalités de surveillance confondues, 262 élevages de ruminants ont fait l’objet d’analyses dont 24 dans le cadre de suspicions cliniques. En 2017, le premier cas de BTV-4 a été confirmé en mars par la surveillance programmée. Pour l’année en cours, 80 foyers de FCO ont été confirmés et notifiés officiellement par la DGAL. Parmi ces élevages, trois foyers ont fait l’objet de détection répétée par des modalités de surveillance différentes, à un ou plusieurs mois d'intervalle. Le sérotype 4 a été confirmé dans 72 élevages. En revanche, le sérotype n’a pas été identifié dans huit foyers en raison de charges virales trop faibles dans les échantillons mais la probabilité d'être en présence de BTV-4 est très élevée. Pour les élevages où le virus a été détecté plusieurs fois depuis mars 2017, seule la modalité de surveillance qui a permis de détecter la FCO pour la première fois a été considérée lors de la classification des foyers selon les modalités de surveillance (Tableau 1).
Tableau 1 - Nombre de foyers de FCO (par RT-PCR de groupe avec ou sans génotypage) par type de surveillance en Corse du 1er janvier au 10 août 2017 inclus
Modalités de surveillance lors de la première détection du virus dans l’élevage | Nombre de foyers | Nombre moyen d’animaux testés par élevage (écart-type) |
Nombre moyen d'animaux confirmés positifs par foyer (écart-type) |
Surveillance programmée | 63 | 3,7 (±3,3) | 1,8 (±1,4) |
Suspicion clinique | 17 | 3,7 (±2,0) | 3,1 (±1,6) |
Depuis janvier 2017, il y a eu 22 suspicions cliniques de FCO dans des élevages ovins, une dans un élevage caprin et une dans un élevage bovin (Figure 1). Dix-sept ont été confirmées dans des élevages ovins depuis juin (Figure 2). Sur les 80 foyers, 76 ont été confirmés depuis le 1er juin, dont dix en juin, 49 en juillet et dix-sept en août. Au total, 63 foyers ont été détectés chez les bovins grâce à la surveillance programmée et dix-sept chez les ovins suite à une suspicion clinique (Figure 2). Toutes modalités de surveillance confondues, une nette augmentation du nombre de foyers a été observée depuis juin (Figure 2).
Parmi les foyers ovins confirmés, dans le cadre de suspicions cliniques, au 25 juillet 2017, les signes cliniques les plus fréquemment cités comptaient : l’abattement, la chute de l’appétit, la chute de la production laitière, l’hyperthermie, la tachypnée, la dyspnée, l’œdème de la face, le jetage nasal, les croûtes sur le mufle. Un nombre maximal de vingt animaux atteints a été signalé dans deux élevages, et entre un et trois animaux morts ont été attribués à la maladie dans trois élevages (morbidité 2,6% et mortalité 8,5%).
Parmi les dix-sept foyers confirmés suite à une suspicion clinique, aucune vaccination n’avait été mise en place dans sept élevages. Dans un autre élevage, les animaux avaient été vaccinés contre les sérotypes 1 et 8, ce qui n’a pas permis une protection contre le sérotype 4. Dans un autre élevage, tous les animaux avaient été vaccinés à l’exception des mâles et des agnelles ; ce sont eux qui ont présenté des signes cliniques de la maladie. Le statut vaccinal reste à investiguer dans les huit autres foyers détectés suite à des suspicions cliniques.
Figure 1 – Nombre d'élevages testés par mois et par modalité de surveillance du 1er janvier au 10 août 2017 inclus
Figure 2 - Nombre de foyers par mois et par modalité de surveillance du 1erjanvier au 10 août 2017 inclus
Depuis mars 2017, les foyers ont été détectés par la surveillance programmée ou la surveillance événementielle (Tableau 2). Les élevages bovins ont été testés dans le cadre de la surveillance programmée, les élevages ovins été testés suite à des suspicions cliniques (Figures 3 & 4). Au 10 août 2017, 37 foyers ont été détectés en Corse-du-Sud et 43 en Haute-Corse.
En Corse-du-Sud, 35 foyers sur 37 ont été détectés sur des bovins dans le cadre de la surveillance programmée dont six en juin, 22 en juillet et sept début août. Seulement deux foyers cliniques ont été détectés sur des ovins en Corse du Sud ; un en juillet et un en août. En Haute-Corse, deux foyers cliniques avaient été détectés en juin suivi de treize autres foyers cliniques en juillet, le tout chez des ovins.
Tableau 2 – Nombre d'élevages testés et de foyers par modalité de surveillance et par espèce en Corse du 1er janvier au 10 août 2017 inclus
Bovins | Caprins | Ovins | ||||||||||||
Nb élevages testés |
NB foyers |
Ratio Nb foyers/ Nb testés |
Nb élevages testés |
Nombre de foyers |
Ratio Nb foyers/ Nb testés |
Nb élevages testés |
Nb foyers |
Ratio Nb foyers/ Nb testés |
||||||
Exportation | 0 | 0 | - | 1 | 0 | 0% | 0 | 0 | - | |||||
Surveillance programmée | 236 | 63 | 26,7% | SO | SO | SO | SO | SO | SO | |||||
Suspicion clinique | 1 | 0 | 0% | 1 | 0 | 0% | 22 | 17 | 77,3% | |||||
SO : Sans objet, pas de surveillance programmée chez les ovins et les caprins
Figure 3 - Nombre de foyers par espèce et par modalité de surveillance du 1er janvier au 10 août 2017 inclus
Figure 4 - Nombre d'élevages testés par espèce et par modalité de surveillance du 1er janvier au 10 août 2017 inclus (dont deux exploitations caprines testées: une avant export et une suite à une suspicion clinique)
Depuis janvier 2017, 262 élevages de ruminants, toutes modalités de surveillance confondues, ont été testés par RT-PCR sur sang ou organe.
Sur 932 animaux ayant fait l’objet d’une analyse, 167 ont été confirmés positifs, dont 28 détectés faiblement positifs (Tableaux 3 & 4).
Tableau 3 – Nombre d’animaux analysés inclus dans les différents programmes de surveillance en Corse, entre le 1er janvier et le 10 août 2017 inclus (sont exclus les animaux ayant fait l’objet d’investigations secondaires à une première détection, en particulier les prélèvements dans le cheptel d’origine d’un animal détecté faible dans le cadre de la surveillance programmée à l’abattoir dans le but de déterminer le sérotype concerné)
Janvier | Février | Mars | Avril | Mai | Juin | Juillet | Août | Total | ||
Exportation | 0 | 5 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 5 | |
Surveillance programmée |
TOT* | 59 | 62 | 98 | 80 | 61 | 165 | 233 | 78 | 836 |
2A* | 17 | 22 | 0 | 20 | 0 | 105 | 173 | 49 | 386 | |
2B* | 42 | 40 | 98 | 60 | 61 | 60 | 60 | 29 | 450 | |
Suspicion clinique | 9 | 0 | 1 | 1 | 0 | 10 | 63 | 7 | 91 | |
Total | 68 | 67 | 99 | 81 | 61 | 175 | 296 | 85 | 932 |
*TOT: Nombre total d'animaux testés, 2A: Nombre d'animaux testés en Corse du Sud, 2B: Nombre d'animaux testés en Haute-Corse
Tableau 4 - Résultats des analyses pour les animaux inclus dans les différents programmes de surveillance en Corse, entre le 1er janvier et le 10 août 2017 inclus
Janvier | Février | Mars | Avril | Mai | Juin | Juillet | Août | Total | |
Positifs (positifs faibles inclus) | 0 | 0 | 2 | 1 | 0 | 19 | 105 | 40 | 167 |
Négatifs | 68 | 67 | 97 | 80 | 61 | 156 | 191 | 45 | 765 |
Nombre total d'animaux | 68 | 67 | 99 | 81 | 61 | 175 | 296 | 85 | 932 |
% d’animaux positifs | 0 | 0 | 2 | 1,2 | 0 | 10,8 | 35,4 | 47,1 | 17,9 |
Le sérotype 4 a été confirmé chez 150 des 167 animaux trouvés positifs en FCO. On observe également une nette augmentation de la proportion d’animaux porteurs du virus, parmi celle testée par RT-PCR, en juillet et août.
L'objectif de 60 analyses par mois et par département dans le cadre de la surveillance programmée a été atteint dans les deux départements depuis juin.
CONCLUSION
Depuis début 2017, tous les foyers ovins ont été détectés par la surveillance événementielle et tous les foyers bovins par la surveillance programmée. Le protocole de surveillance programmée préconise le prélèvement des bovins en première intention, utilisés comme sentinelles pour une détection de la circulation du virus. Depuis début 2017, il y a eu une seule suspicion clinique, infirmée, chez les bovins ; cela traduit vraisemblablement l’absence d’atteinte clinique chez les bovins infectés par le BTV-4. Il en est de même chez les caprins, avec une seule suspicion clinique infirmée.
L’apparition de foyers cliniques et les résultats positifs obtenus lors de la surveillance à l’abattoir indiquent que le virus de la FCO à sérotype 4 est présent dans l’ensemble de la Corse et qu’il peut entraîner des signes cliniques importants chez les ovins, d’où l’intérêt de les vacciner contre ce sérotype. La vaccination contre les sérotypes 1 et 4 de la FCO est obligatoire en Corse aussi bien chez les ovins, que les bovins et les caprins. Des vaccins contre le sérotype 4 et le sérotype 1 ont été mis à la disposition des vétérinaires en Corse dès mai 2016, suite à la demande des représentants des éleveurs et l’avis favorable du Cropsav et du Cnopsav. Le coût des vaccins ainsi que l'acte de vaccination sont intégralement pris en charge par l'Etat.
Les analyses soulignent l'importance de la surveillance programmée pour la détection des cas de FCO-4 chez les bovins. Selon les critères réglementaires, 60 analyses doivent être réalisées par mois et par département. La surveillance programmée a dû être renforcée pour atteindre ses objectifs au premier semestre et maximiser les probabilités de détection du virus chez les bovins. Les objectifs mensuels sont atteints depuis le mois de juillet et il est important de maintenir désormais cet effort mensuel. La surveillance clinique est, quant à elle, essentielle pour la détection du virus chez les ovins. Le faible nombre de cas infirmés pourrait être le signe d'une sous-déclaration des suspicions. Dans l'objectif de détecter les cas cliniques le plus précocement possible, les messages de sensibilisation auprès des éleveurs et vétérinaires seront renforcés.
REMERCIEMENTS
Nous remercions la DDPP et le LVD de la Haute-Corse de nous avoir fourni les commémoratifs des suspicions cliniques.
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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Sailleau C, Viarouge C, Bréard E, Perrin JB, Doceul V, Vitour D, Zientara S. (link is external)Emergence of Bluetongue Virus Serotype 1 in French Corsica Island in September 2013. Transbound Emerg Dis. 2015 Oct;62(5):e89-91. doi: 10.1111/tbed.12207.
Maan S, Maan NS, Belaganahalli MN, Rao PP, Singh KP, Hemadri D, et al., 2015. Full-Genome Sequencing as a Basis for Molecular Epidemiology Studies of Bluetongue Virus in India. PLoS ONE 10(6): e0131257. doi:10.1371/journal.pone.0131257.
Zientara S, Sailleau C, Viarouge C, Hoper D, Beer M, Jenckel M et al., 2015. Identification of a novel Bluetongue virus in goats in Corsica, France. Emerg Infec Dis. 20(12), 2123-2125.
Gerbier G, Baldet T, Tran A, Hendrickx G, Guis H, Mintiens K, Elbers A R W , Staubach C, 2008. Modelling local dispersal of bluetongue virus serotype 8 using random walk, Prev Vet Med, 87(1), 119-130.
Calavas D, 2016. Foyer de FCO à sérotype 4 en Corse. Plateforme ESA. Publié le 2. décembre 2016 (/foyer-de-fco-serotype-4-en-corse).