Epidémiosurveillance en santé animale

Bilan de la situation relative à la FCO à sérotype 4 (FCO-4) en Corse au 25 juillet 2017

Fanny Pandolfi (1), Gina Zanella (2), Emmanuel Bréard (3), Corinne Sailleau (3), Anne Simon (1), Lisa Cavalerie (1), Sidonie Lefebvre (4), Didier Calavas (5), Anne Bronner (1)

(1) DGAl, Bureau de la santé animale, Paris, France

(2) Anses, Unité d’Epidémiologie, Laboratoire de santé animale, Maisons-Alfort, France

(3) Anses, Laboratoire de santé animale, LNR FCO Maisons-Alfort, France

(4) Service Régional de l'Alimentation, DRAAF Corse, Ajaccio, France

(5) Anses, Laboratoire de Lyon, Unité Epidémiologie, Lyon, France

Historique de la maladie

La fièvre catarrhale ovine (FCO) est une maladie vectorielle due au virus Bluetongue (BTV) transmise par des moucherons du genre Culicoïdes. On connaît aujourd’hui 27 sérotypes du BTV (Maan et al., 2015Zientara et al., 2015 ;). Plusieurs sérotypes de FCO ont été isolés en Europe. La Corse a été exposée au sérotype 2 en 2000, au sérotype 4 en 2003 et au sérotype 16 en 2004. Une épizootie a eu lieu en Corse en 2003. Des études ont montré que le sérotype 4 circulait en Corse depuis mai 2003, mais n'a été détecté qu’en octobre 2003 (Gerbier et al., 2008).

Le sérotype 4 est à nouveau apparu en 2016 en Sardaigne (foyer déclaré en janvier 2016). La vaccination contre le BTV-4, en plus de la vaccination déjà prévue contre le sérotype 1, a été rendue obligatoire en Corse et financée par l'Etat suite aux premiers cas déclarés en Sardaigne. Les arrêtés encadrant et permettant le financement de la vaccination BTV-4 ont été signés le 15 septembre 2016, mais les vaccins BTV4 étaient disponibles dès mai 2016 (Calavas, 2016).

 

Découverte du premier foyer de FCO-4 en 2016

Le premier foyer a été suspecté en décembre 2016 à Bonifacio en Corse du Sud, dans un élevage mixte ovins-caprins et confirmé par le LNR (laboratoire national de référence) de l’Anses Maisons-Alfort. Neuf brebis avaient présenté des signes cliniques, causant la mort de huit d’entre elles. La direction départementale en charge de la protection des populations (DDecPP) a alors mis en place des mesures pour prévenir la propagation de la maladie : surveillance renforcée de l'élevage concerné avec interdiction de sortie des animaux. Cependant, cet événement n’a pas modifié les conditions de gestion, car la Corse était déjà en territoire réglementé vis-à-vis de ce sérotype. La surveillance programmée (cf. infra) a donc continué à être mise en œuvre pour détecter le plus précocement possible la circulation du virus et déterminer sa répartition sur le territoire corse.

En 2017, des foyers ovins ont été suspectés dans le cadre de la surveillance clinique dès janvier. Les premiers cas ont été confirmés en mars chez des bovins sans signes cliniques dans le cadre de la surveillance programmée.

 

Modalités de surveillance

Surveillance programmée

Un dispositif de surveillance programmée a été mis en place en Corse initialement pour démontrer l'absence de circulation virale et recouvrer un statut indemne sur le territoire corse vis-à-vis des sérotypes 1, 2, 4, 8 et 16. Le protocole permet de détecter une prévalence d'infection supérieure ou égale à 5 %, avec un intervalle de confiance de 95 % dans chaque département corse. Elle repose sur l'analyse de 60 animaux (en privilégiant les bovins âgés de 6 à 12 mois non vaccinés, sélectionnés de façon aléatoire parmi ceux provenant d’une exploitation située dans le même département que l’abattoir) par département et par mois prélevés à l'abattoir tout au long de l’année. Les prélèvements de sang sur EDTA sont effectués directement à l'abattoir. Ils sont transmis ensuite au LNR pour réaliser une analyse de groupe (détection du virus BTV tous sérotypes confondus). En cas de positivité, le LNR réalise l'isolement viral et le génotypage (identification du sérotype du virus).

Surveillance événementielle (clinique)

La surveillance événementielle (clinique) a été renforcée par des messages de sensibilisation auprès des éleveurs et vétérinaires. Elle repose sur l’analyse par RT-PCR de tout animal présentant des signes cliniques suspects de FCO avec l'obligation de signaler l’événement à la DDecPP.

Enquêtes

Des enquêtes ont été réalisées en mars et en avril 2017. Elles sont conduites en cas de résultats faiblement positifs à la RT-PCR (surveillances clinique et programmée), pour connaître le niveau de protection immunitaire d’un élevage, ou suite à un résultat positif sur animal importé.

Pour les trois modalités de surveillance, un élevage est considéré comme infecté si au moins un animal présente un résultat positif en RT-PCR de groupe (détectant tous les sérotypes de virus BTV). Les analyses sont réalisées par le LNR (une analyse par RT-PCR de groupe et en cas de résultat positif, une analyse par RT-PCR type 4 et type 1).

 

Bilan des foyers au 25/07/2017

La Corse est une zone réglementée vis-à-vis des sérotypes 1, 2, 4, 8 et 16. Les sérotypes 1, 2, 8 et 16 n'ont plus été identifiés depuis plusieurs années, mais le sérotype 4 a été détecté dans plusieurs troupeaux depuis fin 2016.

Depuis janvier 2017, toutes modalités de surveillance confondues, il y a eu 223 élevages de ruminants testés dont vingt suspicions cliniques (incluant 1 suspicion clinique faisant suite à une enquête). En 2017, le premier cas de FCO-4 a été confirmé en mars par la surveillance programmée. Depuis janvier, 47 foyers de FCO ont été confirmés, dont trois foyers reconfirmés dans le même élevage par des modalités de surveillance différentes, à un ou plusieurs mois d'intervalle. La FCO-4 a été confirmée dans 41 élevages (Figure 1). Le sérotype 4 n'a pas été identifié dans six foyers en raison des résultats positifs faibles à l'analyse RT-PCR de groupe. Pour les élevages où le virus a été détecté plusieurs fois depuis janvier 2017, la modalité de surveillance qui a permis de détecter le virus BTV pour la première fois a été considérée lors de la classification des foyers par modalité de surveillance (Tableau 1).

Figure 1 - Foyers de FCO confirmés par espèce, par mois et par modalité de surveillance entre le 1er janvier et le 25 juillet 2017 inclus

Figure 1 - Foyers de FCO confirmés par espèce, par mois et par modalité de surveillance entre le 1er janvier et le 25 juillet 2017 inclus

 

Tableau 1 - Nombre de foyers de FCO confirmés (par RT-PCR de groupe avec ou sans génotypage) par type de surveillance en Corse du 1er janvier au 25 juillet 2017 inclus

Modalités de surveillance Nombre de foyers Nombre moyen d’animaux testés par foyer

(écart-type)
Nombre moyen d'animaux confirmés positifs par foyer

(écart-type)
Enquête 2* 32,0 (±25,0) 1,8 (±1,0)
Surveillance programmée 32* 4,4(±4,0) 1,4 (±0,8)
Suspicion clinique 13 3,7 (±1,6) 3,1 (±1,4)

*dont un foyer confirmé suite à une enquête et reconfirmé suite à une suspicion clinique et deux foyers confirmés suite à la surveillance programmée et reconfirmés suite à une enquête.

 

Depuis janvier 2017, il y a eu 19 suspicions cliniques de FCO (en excluant une suspicion clinique faisant suite à une enquête) dans des élevages ovins (Figure 2). Treize foyers ont été confirmés dont douze découverts en juillet (Figure 3). Depuis le 1er juillet 2017, 32 foyers ont été confirmés toutes modalités de surveillance confondues, dont vingt grâce à la surveillance programmée chez les bovins et douze suite à des suspicions cliniques chez les ovins (Figure 3). Vingt-quatre de ces foyers sont situés en Haute-Corse également répartis entre les ovins et bovins, et les huit autres foyers ont été confirmés en Corse du Sud suite à la surveillance programmée chez les bovins. Toutes modalités de surveillance confondues, une nette augmentation du nombre de foyers a été observée depuis juin, majoritairement en Haute Corse (Figure 1).

Parmi les signes cliniques les plus fréquemment cités dans les foyers ovins se trouvent l’abattement, la chute de l’appétit, la chute de la production laitière, l’hyperthermie, la tachypnée, la dyspnée, l’œdème de la face, le jetage nasal, les croûtes sur le mufle. Un nombre maximal de vingt animaux atteints a été signalé dans deux élevages, et entre un et trois animaux morts ont été attribués à la maladie dans trois élevages (morbidité 2,6% et mortalité 8,5%). Parmi les treize foyers ovins ayant présenté des manifestations cliniques, aucune vaccination n’avait été mise en place dans sept de ces élevages et dans un autre les animaux avaient été vaccinés contre les sérotypes 1 et 8, ce qui n’a pas permis une protection contre le sérotype 4. Dans un élevage, tous les animaux avaient été vaccinés à l’exception des mâles et des agnelles ; ce sont eux qui ont présenté des signes cliniques de la maladie. Le statut vaccinal reste à investiguer dans les quatre autres élevages foyers.

Figure 2 – Nombre d'élevages testés par mois et par modalité de surveillance du 1er janvier au 25 juillet 2017 inclus

Figure 2 – Nombre d'élevages testés par mois et par modalité de surveillance du 1er janvier au 25 juillet 2017 inclus

 

Figure 3 - Nombre de foyers détectés par mois et par modalité de surveillance du 1er janvier au 25 juillet 2017 inclus

Figure 3 - Nombre de foyers détectés par mois et par modalité de surveillance du 1er janvier au 25 juillet 2017 inclus

 

Depuis janvier 2017, les foyers ont été détectés par la surveillance programmée, la surveillance événementielle ou lors d'enquêtes épidémiologiques (Tableau 2). Les élevages bovins ont été majoritairement testés dans le cadre de la surveillance programmée, Les élevages ovins été majoritairement testés suite à des suspicions cliniques (Figure 4 & 5). Quatorze foyers ont été détectés en Corse du Sud et 33 en Haute-Corse (Figure1).

 

Tableau 2 – Nombre de cas confirmés et nombre d'élevages testés par modalité de surveillance et par espèce en Corse du 1er janvier au 25 juillet 2017 inclus

  Bovins Caprins Ovins
  Nombre

de foyers
Nombre

d'élevages

testés
Nombre

de foyers
Nombre

d'élevages

testés
Nombre

de foyers
Nombre

d'élevages

testés
Enquête 1 2 0 0 1 1
Exportation 0 0 1 1 0 0
Surveillance programmée 32 199 2 SO* 0 0
Suspicion clinique 0 1 3 0 13 19

 * Sans objet : pas de surveillance programmée chez les caprins

Figure 4 - Nombre de foyers par espèce et par modalité de surveillance du 1er janvier au 25 juillet 2017 inclus

Figure 4 - Nombre de foyers par espèce et par modalité de surveillance du 1er janvier au 25 juillet 2017 inclus

 

Figure 5 - Nombre d'élevages testés par espèce et par modalité de surveillance

Figure 5 - Nombre d'élevages testés par espèce et par modalité de surveillance

 

Depuis janvier 2017, les 223 élevages concernés, tous types de modalité confondus, ont été testés par RT-PCR sur sang ou organe; excepté un élevage en mars 2017 pour lequel des tests sérologiques (ELISA et séroneutralisation) ont été réalisés dans le cadre d'une enquête.

Sur 1 154 animaux ayant fait l’objet d’une analyse de confirmation, 369 ont été confirmés positifs, dont seize ont été détectés faiblement positifs (Tableaux 3 & 4).

 

Tableau 3 – Nombre d’animaux, avec des résultats d’analyses, inclus dans les différents programmes de surveillance en Corse, entre le 1er janvier et le 25 juillet 2017 inclus

  Janvier Février Mars Avril Mai Juin Juillet Total
Enquête (positifs faibles inclus) 0 0 287 127 0 0 0 414
Exportation 0 5 0 0 0 0 0 5
Surveillance programmée 59 62 98 80 61 165 139 664
Suspicion clinique 9 0 1 1 0 10 50 71
Total 68 67 386 208 61 175 189 1 154

Tableau 4 - Résultats des analyses pour les animaux inclus dans les différents programmes de surveillance en Corse, entre le 1er janvier et le 25 juillet 2017 inclus

  Janvier Février Mars Avril Mai Juin Juillet Nombre d'animaux

 
Nombre d'animaux testés

BTV-4
Positif (positif faible inclus) 0 0 277 7 0 19 66 369 225*
Négatif 68 67 109 201 61 156 123 785 45*
Nombre total d'animaux               1 154 270

*Le sérotype 4 a été testé pour 270 animaux positifs et a été confirmé dans 225 cas (99 animaux détectés positifs n'ont pas été testés BTV-4).

 

Conclusion

L’apparition de foyers cliniques et les résultats positifs obtenus lors de la surveillance à l’abattoir indiquent que le virus de la FCO à sérotype 4 est présent dans l’ensemble de la Corse et qu’il peut entraîner des signes cliniques importants chez les ovins, d’où l’intérêt de les vacciner contre ce sérotype. Cette vaccination est de toute façon obligatoire aussi bien chez les ovins, que les bovins et les caprins. Des vaccins contre le sérotype 4 et le sérotype 1 ont été mis à la disposition des vétérinaires en Corse depuis mai 2016, suite à la demande des représentants des éleveurs et l’avis favorable du Cropsav et du Cnopsav. Le coût des vaccins ainsi que l'acte de vaccination sont intégralement pris en charge par l'Etat. Sur des ruminants non immunisés, la vaccination contre le sérotype 4 permettant une protection complète nécessite une seule injection chez les petits ruminants et deux injections à 3 ou 4 semaines d'intervalle chez les bovins.

Le nombre de foyers a nettement augmenté depuis juin. Les analyses soulignent l'importance de la surveillance programmée pour la détection des cas de FCO-4 chez les bovins. Selon les critères réglementaires, 60 analyses doivent être réalisées par mois et par département. La surveillance programmée a dû être renforcée pour atteindre les objectifs au premier semestre et maximiser les probabilités de détection du virus chez les bovins. Les objectifs mensuels sont atteints depuis le mois de Juin, il est important de maintenir désormais cet effort mensuel. La surveillance clinique est, quant à elle, essentielle pour la détection du virus chez les ovins. Sur dix-neuf suspicions cliniques depuis janvier 2017, treize ont été confirmées positives. Le faible nombre de cas infirmés pourrait être le signe d'une sous-déclaration des suspicions. Dans l'objectif de détecter les cas cliniques le plus précocement possible, les messages de sensibilisation auprès des éleveurs et vétérinaires devraient être renforcés.

 

Remerciements

Nous remercions la DDPP et le LVD de la Haute-Corse de nous avoir fourni les commémoratifs des suspicions cliniques, et Mathilde Saussac (Anses, Ucas) pour la réalisation de la carte.

 

Références bibliographiques

Maan S, Maan NS, Belaganahalli MN, Rao PP, Singh KP, Hemadri D, et al., 2015. Full-Genome Sequencing as a Basis for Molecular Epidemiology Studies of Bluetongue Virus in India. PLoS ONE 10(6): e0131257. doi:10.1371/journal.pone.0131257.

Zientara S, Sailleau C, Viarouge C, Hoper D, Beer M, Jenckel M et al., 2015. Identification of a novel Bluetongue virus in goats in Corsica, France. Emerg Infec Dis. 20(12), 2123-2125.

Gerbier G, Baldet T, Tran A, Hendrickx G, Guis H, Mintiens K, Elbers A R W , Staubach C, 2008. Modelling local dispersal of bluetongue virus serotype 8 using random walk, Prev Vet Med, 87(1), 119-130.

Calavas D, 2016. Foyer de FCO à sérotype 4 en Corse. Plateforme ESA. Publié le 2. décembre 2016 (https://www.plateforme-esa.fr/article/foyer-de-fco-serotype-4-en-corse

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