Bilan de l’IAHP sur l’avifaune sauvage en France au 30 juin 2022
Pour l’OFB : Loïc Palumbo, Anne Van De Wiele
Le premier semestre 2022 a été marqué par un nombre sans précédent de cas d’influenza aviaire (IA) dans les populations d’oiseaux sauvages. Cette situation est liée à des changements épidémiologiques apparus sur le 1er semestre 2022 (et qui se confirment au second semestre), avec trois faits nouveaux majeurs : l’apparition de clusters de cas en grand nombre ; le maintien de la circulation virale malgré la montée des températures (printemps, été), ce qui conduit à la contamination des oiseaux dès l’éclosion et plus généralement très jeunes et donc très sensibles; et un spectre d’espèces fortement touchées différent de ce qui a été connu jusqu’alors. Par ailleurs cette modification épidémiologique est observée dans de nombreux pays d’Europe, mais également outre-Atlantique.
En France, 815 oiseaux morts ont été collectés et analysés pour la recherche d’IA du 01/01/2022 au 30/06/2022 (+49,5% par rapport au premier semestre 2021), pour un total de 143 cas positifs à l’IA hautement pathogène (H5N1) parmi les oiseaux sauvages. La distribution spatiale et les espèces touchées ont évolué au fil des mois avec des zones fortement impactées telles que la façade maritime des Pays de la Loire, les côtes de la Manche et la voie de migration Meuse-Rhin-Rhône (fig 1).
Le début de l’année a été marqué par un épisode épizootique hivernal similaire à celui des années précédentes sur le plan épidémiologique (le génotype FR1 est majoritairement identifié, et sporadiquement on retrouve les génotypes FR3-FR4-FR5-FR6-FR7-FR8). Les espèces touchées sont les anatidés essentiellement (cygne tuberculé, oie cendrée, tadorne de Belon et des canards souchet, siffleur et colvert) mais également des échassiers et oiseaux d’eau (Spatule blanche, héron cendré, Aigrettes, grèbe huppé, chevalier culblanc et bécasseaux). Et ponctuellement d’autres espèces avec un cas sur un pingouin torda, des buses variables, un verdier d’Europe et un étourneau sansonnet.
Puis à partir de mi-mars, en parallèle de la fin de l’épizootie hivernale, un nouvel épisode épizootique a été détecté avec la majorité des cas concentrés dans le Centre Ouest sur la façade atlantique (Loire Atlantique et Vendée, puis Charente maritime), suite à des détections dans des élevages vendéen dès fin janvier. Le génotype circulant lors de cet épisode a été bien identifié, et il s’agit du génotype FR2.
Un nouvel épisode épizootique démarre ensuite le 11 mai avec les premiers goélands morts positifs dans la Somme (Parc du Marquenterre). Suite à ces premières détections une dispersion des cas vers le Nord et le Sud est observée, avec une souche de génotype FR9 particulièrement adaptée aux laridés : goélands (argentés, marins et bruns) mais aussi mouettes rieuses et mélanocéphales, ou encore des sternes Caugek avec des milliers individus observés morts sur le Platier d’Oye.
Indépendamment des autres épisodes, le 12 mai un premier vautour fauve est détecté positif dans le parc des Cévennes. Se pose alors la question de l’origine de la contamination car des cas ont été préalablement identifiés en Espagne mais le virus circule également encore dans le secteur agricole français. Les enquêtes épidémiologiques commencent en essayant de délimiter la zone atteinte, mais toute la population française semble touchée : tous les vautours analysés au cours des 3 semaines qui ont suivis étaient viropositifs, quel que soit l’âge. Ces cas sont survenus à la période où les juvéniles essaiment pour trouver de la compagnie, et cette large distribution est confirmée ultérieurement par des analyses sérologiques chez des adultes. Un génotype unique et spécifique est identifié, différent de ceux qui tournent encore en élevage, mais proche de celui des vautours en Espagne (source LNR).
Un autre phénomène commence le 3 juin dans la Somme avec des mortalités importantes sur les fous de Bassan, liées à un virus de génotype FR1. Le phénomène s’étend ensuite vers les départements voisins, à commencer par le Calvados avant de se poursuivre et s’intensifier au cours de l’été. Ces différentes vagues épizootiques soulèvent des inquiétudes quant à la pérennité des populations de nombreuses espèces si ces épisodes devaient se reproduire annuellement, voire devenir endémiques, et s’étendre à d’autres espèces.
Nous remercions tous les partenaires qui ont permis les analyses, ainsi que le LNR et la DGAL.
Figure 1 : distribution des analyses de recherche IAHP dans l’avifaune sauvage en France métropolitaine entre le 01/07/21 et le 30/06/22