Bilan des déclarations à l’OMAA (2017-2021) et déploiement dans 5 nouvelles régions
Avant-propos
La cellule d’animation de l’Observatoire des Mortalités et des Affaiblissements de l’Abeille mellifère s’est associée à des vétérinaires impliqués dans le système de surveillance pour rédiger l’article ci-dessous, intitulé « Bilan des déclarations de troubles de santé à l’Observatoire des Mortalités et des Affaiblissements de l’Abeille mellifère (2017-2021) et perspectives 2023 ». Celui-ci propose une synthèse des résultats issus d’une note détaillée rédigée par le groupe de suivi OMAA de la Plateforme ESA. Il décrit également un certain nombre de phénomènes anormaux (cas groupés) identifiés dans le cadre de l’Observatoire et annonce le déploiement progressif du dispositif dans cinq nouvelles régions en 2023 (Hauts-de-France, Île-de-France, Bourgogne-Franche-Comté, Occitanie, Provence-Alpes-Côte d’Azur).
Bilan des déclarations de troubles de santé à l’Observatoire des Mortalités et des Affaiblissements de l’Abeille mellifère (2017-2021) et perspectives 2023
Par ordre alphabétique : Maud Belliard (FRGTV Pays de la Loire), Mannaïg De Kersauson (FRGTV Auvergne-Rhône-Alpes), Emilie Delmar (INRAE), Céline Dupuy (Anses), Caroline Lantuejoul (FRGTV Pays de la Loire), Marion Laurent (Anses), Agnès Ménage (FRGTV Bretagne), Maryline Pioz (INRAE), Cédric Sourdeau (DGAl), Gérald Tondreau-Therville (FRGTV Pays de la Loire), Sébastien Wendling (DGAl).
Auteur correspondant : emilie.delmar-benoist@inrae.fr
Introduction
L’Observatoire des Mortalités et des Affaiblissements de l’Abeille mellifère (OMAA) est un système de surveillance innovant dont les objectifs sont de recenser les troubles de santé des abeilles déclarés par les apiculteurs, de leur apporter des réponses sur leur origine et de faire l’analyse de la dynamique spatio-temporelle de ces troubles en France métropolitaine. Sur la période 2017-2021 l’OMAA a été déployé dans trois régions pilotes : la Bretagne et les Pays de la Loire depuis août 2017, la région Auvergne-Rhône-Alpes depuis avril 2019. Un premier article (« L’OMAA, un système de surveillance innovant ») a présenté l’évolution du nombre annuel de déclarations. Les résultats présentés dans cet article sont issus d’une note détaillée rédigée par le groupe de suivi OMAA de la plateforme d’épidémiosurveillance en santé animale (Plateforme ESA) [1]. Ils portent sur 2 504 déclarations de troubles constatés entre 2017 et 2021 et déclarés entre 2017 et 2022. Chaque déclaration correspond à un trouble observé sur un rucher. Une partie des données de ces déclarations n’est disponible que pour les régions Bretagne et Pays de la Loire, la région Auvergne-Rhône-Alpes n’ayant pas renseigné l’ensemble des données dès le déploiement de l’OMAA. C’est pourquoi certains résultats ne sont présentés que pour les deux premières régions. Désormais, les trois régions collectent systématiquement l’ensemble des données.
I. Profil des personnes qui déclarent à l’OMAA des troubles de santé constatés dans un rucher
Dans le cadre de la phase pilote de l’OMAA, plus de 80 % des déclarations ont été réalisées directement par les apiculteurs. D’autres ont été effectuées par des vétérinaires, des Techniciens Sanitaires Apicoles (TSA) ou des agents d’une Direction Départementale en charge de la Protection des Populations (DDecPP). Dans ce dernier cas, elles correspondaient par exemple à des détections de troubles lors des visites réalisées dans le cadre du suivi des Programmes Sanitaires d’Élevage (PSE) ou lors des visites de police sanitaire effectuées dans les zones réglementées autour d’un foyer mis sous arrêté préfectoral portant déclaration d’infection (APDI).
Tableau 1 : Profil des déclarants à l’OMAA par ordre décroissant de fréquence, sur 2 504 déclarations de troubles constatés entre 2017 et 2021 dans les 3 régions dans lesquelles l’OMAA est déployé.
Profil du déclarant | Nombre de déclarations | Pourcentage de déclarations |
Apiculteur | 2 024 | 80,8 % |
Vétérinaire | 276 | 11,0 % |
TSA | 62 | 2,5 % |
Agent d’une ADA* | 49 | 2,0 % |
Agent d’une DDecPP | 44 | 1,8 % |
Autre** | 35 | 1,4 % |
Agent d’un GDS* ou GDSA* | 13 | 0,5 % |
Donnée non disponible | 1 | 0,0 % |
Total | 2 504 | 100 % |
*ADA : Association de Développement de l’Apiculture ; GDS : Groupement de Défense Sanitaire ; GDSA : Groupement de Défense Sanitaire Apicole.
**Par exemple agents communaux, voisins ou amis d’apiculteurs.
En Pays de la Loire et en Bretagne, 644 apiculteurs ont directement contacté l’OMAA et sont à l’origine de 887 déclarations sur la période considérée. Parmi les 644 apiculteurs, 84,5 % étaient des apiculteurs producteurs familiaux possédant 1 à 49 colonies, 6,8 % des apiculteurs pluri-actifs possédant 50 à 149 colonies et 8,7 % des apiculteurs professionnels possédant 150 colonies ou plus. Ces résultats semblent témoigner d’une bonne participation des apiculteurs professionnels eu égard à leur représentation par rapport à l’ensemble de la population apicole dans ces deux régions (voir note [1], encadré « Qui sont les apiculteurs qui contactent l’OMAA ? » pour plus de détails).
II. Troubles suspectés et orientation vers les dispositifs de surveillance
En fonction des éléments relevés par le vétérinaire qui réceptionne la déclaration (appelé répartiteur), le cas peut être orienté vers l’un des trois dispositifs de surveillance constituant l’OMAA :
Le dispositif de surveillance des maladies réglementées dans le cadre de la police sanitaire ;
Le dispositif de surveillance des mortalités massives aiguës d’abeilles adultes avec suspicion d’intoxication ;
Le dispositif de surveillance des « Autres troubles » pour les déclarations n’entrant pas dans le champ des deux précédents dispositifs de surveillance.
Les deux premiers dispositifs relèvent de la responsabilité du ministère en charge de l’agriculture et sont gérés par ses services déconcentrés : DDecPP et Direction Régionale de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Forêt (DRAAF). Ils concernent l’ensemble du territoire national et existent depuis de nombreuses années. La mise en œuvre du guichet unique régional, qui réceptionne l’ensemble des déclarations, et du dispositif de surveillance des « Autres troubles » est spécifique aux trois régions ayant déployé l’OMAA et confiée aux Fédérations Régionales des Groupements Techniques Vétérinaires (FRGTV).
La Figure 1 présente le nombre mensuel de troubles orientés vers chacun des trois dispositifs de surveillance toutes années confondues. Les suspicions de maladies réglementées et d’« Autres troubles » sont réparties tout au long de l’année, contrairement aux suspicions de mortalités massives aiguës qui sont davantage constatées sur les mois d’avril, mai et juin.
Figure 1 : Nombre mensuel de troubles constatés entre 2017 et 2021, orientés vers chacun des dispositifs de surveillance, sur 2 504 déclarations à l’OMAA enregistrées dans les 3 régions où le dispositif est déployé (AT : Autres troubles ; MMAAA : Mortalités massives aiguës d’abeilles adultes ; MR : Maladies réglementées). NB : 1 trouble correspond à 1 déclaration.
Focus sur le dispositif de surveillance des maladies réglementées
Parmi les 2 504 déclarations, 11,1 % (278) ont été orientées vers le dispositif de surveillance des maladies réglementées. Le détail de la suspicion est disponible pour 149 déclarations en Bretagne et en Pays de la Loire : 88,6 % correspondaient à une suspicion de loque américaine, 6,7 % à une suspicion de nosémose à Nosema apis, 4,7 % à une suspicion d’Aethina tumida, le petit coléoptère des ruches (voir note [1], paragraphe « Focus sur le dispositif de surveillance des maladies réglementées » pour plus de détails). Le dispositif de surveillance des maladies réglementées, mis en œuvre par les DDecPP des trois régions, a pris en charge l’ensemble de ces déclarations et des visites sur les ruchers correspondants ont été réalisées. Toutes les suspicions d’Aethina tumida ont été infirmées.
Focus sur le dispositif de surveillance des mortalités massives aiguës d’abeilles adultes (MMAAA)
L’orientation vers le dispositif MMAAA a concerné 9,5 % (237) des déclarations. Plus de 70 % de ces troubles ont été constatés entre avril et juin inclus (Figure 1), période de plus forte utilisation de produits phytopharmaceutiques. Ce dispositif est mis en œuvre par les DRAAF, qui ont pu déclencher dans les trois régions des enquêtes environnementales autour des ruchers lorsque cela était pertinent.
Focus sur le dispositif de surveillance des « Autres troubles »
La majorité des déclarations (1 989, soit 79,4 %) a été orientée vers le dispositif de surveillance des « Autres troubles ». Ces résultats soulignent la pertinence d’avoir déployé ce nouveau dispositif dans les trois régions pilotes. Il a permis le recensement et une investigation facilitée pour les apiculteurs d’un grand nombre de troubles qui n’entraient pas dans le champ des deux dispositifs mis en œuvre par les services de l’Etat.
Une saisonnalité est observée (Figure 1) avec une augmentation des constats de troubles entre mars et juin, correspondant à une période d’intense activité apicole, propice aux visites. Cette saisonnalité est retrouvée chaque année à l’échelle de chaque région.
En Bretagne et en Pays de la Loire, les problèmes les plus fréquemment identifiés par les répartiteurs à la fin de l’échange téléphonique étaient de la mortalité (62,8 % des déclarations) avec des abeilles mortes à l’intérieur ou à l’extérieur de la ruche ainsi que des ruches vides, et dans une moindre mesure les anomalies de couvain (19,3 % des déclarations) et les anomalies de développement de la colonie (19,3 % des déclarations) (Figure 2, voir note [1], paragraphe « Focus sur le dispositif de surveillance des « Autres troubles » pour plus de détails).
Figure 2 : Principaux problèmes identifiés (n= 1 479) par le répartiteur d’après les dires du déclarant, sur 1 179 troubles déclarés à l’OMAA et orientés « Autres troubles », constatés en Bretagne et Pays de la Loire entre 2017 et 2021 (NB : 1 trouble correspond à 1 déclaration ; 1 trouble peut être associé à plusieurs problèmes).
Il est important de rappeler qu’au-delà des mortalités, les phénomènes d’affaiblissement des colonies, parfois plus difficiles à détecter par les apiculteurs, permettent également la récolte d’informations pertinentes et que la déclaration précoce de ces événements est recommandée.
III. Répartition spatio-temporelle des troubles et identification de phénomènes anormaux (cas groupés)
Des cartographies représentant, par département, le pourcentage de colonies atteintes par un trouble déclaré à l’OMAA sont disponibles en Figure 3. Des atteintes localisées dans le temps et l’espace d’un nombre important de colonies sont visualisables à l’échelle des départements en fonction des années. Des biais peuvent cependant altérer la qualité de l’estimation de ce pourcentage. Un travail complémentaire sera nécessaire afin de proposer des cartographies plus représentatives de la répartition spatiale des troubles (voir note [1], paragraphe « Répartition spatio-temporelle des troubles déclarés à l’OMAA » pour plus de détails).
Figure 3 : Pourcentage de colonies atteintes par un trouble déclaré à l’OMAA (nombre de colonies atteintes divisé par le nombre de colonies télédéclarées) selon l’année et le département de constatation du trouble entre 2017 et 2021, dans les 3 régions où l’OMAA est déployé.
Augmentation anormale des mortalités hivernales en Bretagne
En 2018 en Bretagne, un pic de constats enregistrés a été observé (Figure 2 et Figure 3 de la note [1]). Il est lié à une mobilisation importante des apiculteurs bretons en mars et en avril, pour signaler un épisode de mortalités hivernales particulièrement marqué. Cet épisode, observé en Bretagne et dans d’autres régions, a conduit à la mise en place de l’Enquête Nationale de Mortalité Hivernale des colonies d’Abeilles (ENMHA). L’enquête, qui a ensuite pu être reconduite chaque année, a permis d’objectiver un phénomène de surmortalité hivernale cette année-là par rapport aux années suivantes.
Cas groupés de famine en Loire-Atlantique
En Loire-Atlantique, entre le 2 mai et le 7 mai 2019, 4 déclarations ont été enregistrées par le guichet unique de l’OMAA, dont 3 le même jour, dans un même secteur géographique. Le motif d’appel pour toutes ces déclarations était la présence d’abeilles mortes au pied des ruches. Tous les apiculteurs suspectaient une cause environnementale d’ordre toxicologique. Suite aux entretiens téléphoniques, les cas ont été orientés vers le dispositif de surveillance des mortalités massives aiguës d’abeilles adultes (MMAAA) et le SRAL a conduit des investigations sur le terrain. Les jours précédant les déclarations, des chutes importantes de température associées à des intempéries ont été relevées. Un des apiculteurs avait sur un même rucher une très forte densité de colonies (84 colonies). Un autre apiculteur avait effectué, quelques jours avant l’apparition du trouble de santé, une récolte des réserves engrangées par ses colonies. L’examen clinique réalisé dans tous les ruchers impactés a montré des signes cliniques similaires : des abeilles trainantes à l’entrée des ruches, de la mortalité d’abeilles adultes et de nymphes dans le fond des ruches et au pied des ruches, du couvain mosaïque, un arrêt de ponte, un déséquilibre entre couvain ouvert et couvain fermé. Pour toutes les colonies examinées, une absence totale de réserves glucidiques et protéiques a été constatée. L’enquête environnementale a révélé un environnement préservé de prairies, haies et bois, sans sources potentielles d’exposition aux produits phytopharmaceutiques. Cette enquête a également montré une faible disponibilité de ressources alimentaires dans l’environnement des ruchers. Un diagnostic de famine a donc été posé pour ces différents ruchers. Une alerte a également été émise par le guichet unique de l’OMAA : un mail a été envoyé à tous les apiculteurs déclarés des Pays de la Loire, les invitant à contrôler les réserves de leurs colonies et à effectuer des nourrissements si cela était nécessaire.
Augmentation anormale des cas de « maladie noire » en Auvergne-Rhône-Alpes
En Auvergne-Rhône-Alpes, l’année 2020 a été marquée par une forte augmentation des cas de « maladie noire », une pathologie due au virus de la paralysie chronique de l'abeille ou CBPV (Chronic Bee Paralysis Virus). Ainsi, 83 signalements ont été effectués à l’OMAA, soit 25 % des déclarations en Auvergne-Rhône-Alpes en 2020 comparativement à 7 % en 2019 et 2021. Les signalements ont concerné tous les départements de la région à l’exception du Cantal, et le pic d’occurrence a eu lieu au printemps avec 60 % des enregistrements en avril et mai. Les signalements faisaient mention de constats de mortalités devant la ruche et/ou de signes neurologiques, avec 10 à 100 % des colonies touchées dans les ruchers. La présence d’abeilles noires et dépilées était fréquente mais pas systématique. L’intensité des signes cliniques était variable et la proportion d’abeilles touchées allait de quelques abeilles à plus d’un litre par ruche. Cinquante-quatre cas ont fait l’objet d’une visite de rucher et 30 d’une recherche virale, ce qui a permis de confirmer la maladie quand les signes cliniques n’étaient pas classiques. La visite des deux tiers des ruchers a permis de mettre en évidence la variabilité des signes cliniques liés à ce virus, parfois éloignés de la description faite dans la littérature apicole.
Des facteurs favorisant ce pic d’occurrence ont été recherchés. La répartition des cas sur l’ensemble de la région était en faveur de facteurs météorologiques. Des analyses toxicologiques ont été réalisées dans 17 ruchers et n’ont pas permis d’établir une corrélation avec la présence de substances étrangères.
Les facteurs ayant favorisé la forte augmentation de la prévalence de cette maladie cette année-là restent à identifier. Ces cas groupés ont permis de décrire une diversité de tableaux cliniques associés au CBPV. Cela met en évidence l’intérêt de déclarer les troubles des abeilles à l’OMAA pour permettre de mieux comprendre et donc prévenir, détecter et gérer cette maladie.
Cas groupés d’infestation à Varroa dans l’Allier et le Cantal
En 2021, la moitié des déclarations enregistrées (43 déclarations sur 86) dans les départements de l’Allier et du Cantal étaient la conséquence d’infestations à Varroa, aggravées dans plus de 10 % des cas par des infections virales, notamment de paralysie chronique. Dans près d’un quart des situations une problématique zootechnique a pu être mise en évidence concernant principalement de très petits ruchers (1 à 6 colonies).
Cas groupés de loque européenne en Bretagne
Le 26 juin 2021, deux apiculteurs professionnels bretons, distants d’une dizaine de kilomètres dans le sud du Finistère ont contacté l’OMAA pour déclarer un problème de loque européenne. Il s’agissait pour l’un d’un problème de persistance de la maladie depuis le printemps dans plusieurs de ses ruchers, malgré des actions mises en place et une bonne miellée de printemps. Pour l’autre, il s’agissait d’une émergence massive dans un rucher au mois de juin. Cette situation semblant anormale, une alerte a été envoyée le 28 juin 2021 à tous les apiculteurs finistériens ayant déclaré leurs ruchers, les incitant à rechercher et à déclarer les cas de loque européenne dans leurs colonies. De nouvelles déclarations ont ainsi été enregistrées, toutes dans un secteur de 30 km sur 60 km dans le sud du Finistère et à la frontière morbihannaise. Les deux tiers des déclarations émanaient de professionnels et de pluriactifs et la moitié de celles concernant des apiculteurs de loisir ont été faites par des TSA, soit pour leurs ruchers, soit pour des ruchers visités dans le cadre d’un PSE. Ceci pourrait suggérer une sous-déclaration par habituation au problème ou par manque de formation des apiculteurs de loisir. Des visites des ruchers touchés ont été réalisées lorsque cela était possible. Des prélèvements ont confirmé le diagnostic et ont été transmis à l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) pour conservation dans le cadre de l’étude ECLEA (Etude des Cas de Loque Européenne Atypique) ; des mesures d’assainissement ont également été mises en place et des conseils de prévention ont été prodigués auprès des apiculteurs concernés. En 2022, seules 3 déclarations de loque européenne ont été enregistrées dans le département et aucune dans le secteur concerné par les cas groupés l’année précédente.
Carte : Localisation des ruchers ayant fait l’objet d’une déclaration de loque européenne à l’OMAA en Bretagne en 2021. Les ruchers en violet ont fait l’objet d’une visite, les ruchers en bleu ont uniquement fait l’objet d’une déclaration (autres ruchers d’un même apiculteur ou déclarations après gestion du problème par l’apiculteur ou le TSA).
Cas groupés d’intoxication dans les Pays de la Loire
Un premier cas groupé a été détecté en 2022 dans les Pays de la Loire : trois déclarations ont été enregistrées à l’OMAA dans un rayon de 20 km avec des mortalités d’abeilles adultes au pied et au fond de ruches. Deux déclarations enregistrées rapidement ont été orientées vers le dispositif de surveillance des mortalités massives aiguës, une déclarée tardivement a été orientée vers le dispositif de surveillance des « Autres troubles ». Les trois ruchers ont pu être visités. La mortalité concernait les abeilles adultes mais aussi le couvain. On notait une obstruction de certaines entrées de ruches par les cadavres, illustrant l’aspect aigu et massif de la mortalité. Les analyses réalisées ont mis en évidence les trois mêmes pyrèthres (insecticides autorisés dans les jardins, en biocontrôle ou en agriculture biologique) dans les abeilles prélevées, à l’état de traces pour le cas déclaré tardivement et à des taux confirmant l’intoxication pour les deux autres cas.
Deux autres exemples pour lesquels des causes environnementales étaient suspectées peuvent être soulignés, éloignés géographiquement mais apparus au moment des floraisons de colza (environnement majoritaire) : une augmentation progressive et importante de mortalités sur des séries d’élevages de reines a été déclarée (constat de nymphes de reines mortes au stade « yeux blancs » sans signe de maladie de la cellule noire) et un cas de mortalité étendue de couvain avec uniquement des nymphes mortes aux stades « yeux blancs » à « roses ». Des fongicides ou herbicides ont été retrouvés dans les matrices prélevées lors des visites des ruchers. L’aspect temporel et l’arrêt de développement des nymphes à un stade similaire est à noter dans des environnements de grandes cultures. Il est attendu, par le recensement exhaustif de cette typologie de cas et les investigations diligentées, de faciliter la compréhension et l’identification de l’origine de ces troubles de santé.
Les apiculteurs sont ainsi invités à déclarer systématiquement à l’OMAA les troubles observés pour mieux appréhender dans des environnements donnés les effets toxicologiques aigus et les atteintes moins visibles de leurs colonies.
IV. Perspectives de l’OMAA en 2023 et au-delà
Depuis la décision de création de l’OMAA en 2015, l’ambition du ministère en charge de l’agriculture est de déployer ce système de surveillance évènementielle sur l’ensemble du territoire national. Après 6 années de phase pilote, et grâce au financement européen du volet apicole du programme stratégique national 2023-2027, l’année 2023 est marquée par un déploiement progressif du dispositif dans 5 nouvelles régions (Hauts-de-France, Île-de-France, Bourgogne-Franche-Comté, Occitanie, Provence-Alpes-Côte d’Azur) qui rejoignent les trois premières régions bénéficiant du dispositif. Cette ambition a été partagée avec les organisations apicoles membres du Comité d’experts apicole du CNOPSAV[1] qui ont souligné l’intérêt du dispositif. L’observatoire bénéficie, pour permettre son déploiement national, de financements publics européens et nationaux à hauteur de 1,1 million d’euros par an. Une campagne d’information est mise en place dans les nouvelles régions pour présenter le dispositif et les modalités de déclaration aux apiculteurs. Un travail de co-construction d’un système d’information dédié à l’OMAA a par ailleurs été initié. Il permettra notamment de mettre à disposition un outil de suivi des investigations plus adapté aux besoins des utilisateurs et de faciliter la mise à disposition de bilans réguliers à l’ensemble des acteurs dont les apiculteurs. Enfin une évaluation du système de surveillance OMAA est actuellement conduite par la Plateforme ESA. Les recommandations qui émaneront de cette évaluation contribueront à orienter les travaux d’amélioration du dispositif conduits par le groupe de suivi OMAA de la Plateforme ESA[2]. Au sein de chaque région, une parfaite collaboration entre les différents acteurs de la filière apicole est le gage d’une réussite pleine et entière de l’OMAA au bénéfice des apiculteurs et de l’abeille domestique.
Conclusion
Les déclarations de troubles de santé à l’OMAA de 2017 à 2021, principalement effectuées par les apiculteurs eux-mêmes, ont permis le recensement et la prise en charge d’un nombre important de troubles de santé des abeilles. Des conseils et informations ont pu être dispensés auprès des apiculteurs déclarants mais aussi à une échelle collective comme cela a pu être montré au travers d’exemples décrits dans le présent article. Des cas groupés de mortalités hivernales, de famine, d’infestations à Varroa, de viroses, de loque européenne ou encore d’intoxications ont ainsi pu être identifiés. A l’échelle régionale, la détection de ces phénomènes a permis de lancer des alertes immédiates auprès des apiculteurs visant à augmenter la vigilance et faciliter la prévention. Des restitutions orales organisées chaque année par les régions pilotes ont également permis d’assurer un retour d’informations auprès des apiculteurs de ces territoires. Le déploiement de l’OMAA dans de nouvelles régions dès 2023, va permettre d’élargir la couverture géographique du dispositif et d’améliorer les indicateurs de la surveillance des troubles des abeilles. Cela permettra également d’apporter des réponses aux apiculteurs sur les troubles qui impactent leurs ruchers sur ces territoires.
[1] Adeline Alexandre, Brigitte Barthelet, Samuel Boucher, Sophie Carles, Axel Decourtye, Emilie Delmar, Céline Dupuy, Florentine Giraud, Marion Guinemer, Marion Laurent, Agnès Ménage, Muriel Orlowski, Maryline Pioz, Cédric Sourdeau, Vincent Vanharen, Alain Viry, Sébastien Wendling. 2022. Analyse des déclarations de troubles de santé à l’Observatoire des Mortalités et des Affaiblissements de l’Abeille mellifère (2017-2021). © https://www.plateforme-esa.fr/fr/analyse-des-declarations-de-troubles-d…
[1] Pour plus de renseignements concernant le Comité d’experts apicole du CNOPSAV : https://agriculture.gouv.fr/le-comite-dexperts-apicole-rattache-au-cons…
[2] Pour plus d’informations concernant le groupe de suivi OMAA de la Plateforme ESA : https://www.plateforme-esa.fr/fr/observatoire-des-mortalites-et-des-aff…