Epidémiosurveillance en santé animale

Détection de plusieurs foyers distants de peste porcine africaine en Chine

Pour la VSI (par ordre alphabétique) : Anne Bronner (Dgal), Didier Calavas (Anses), Julien Cauchard (Anses), Alizé Mercier (Cirad), Sylvain Falala (Inra)
Pour la Plateforme ESA : Guillaume Gerbier (DGAl)
Auteur correspondant : didier.calavas@anses.fr

Sources : OIE, ProMED, article Reuters 16/08 (https://www.reuters.com/us-china-swinefever-pigs/china-finds-second-african-swine-fever-case-at-wh-group-plant-idUSKBN1L10YV), Communiqué de presse Cirad 19/09/2017 (https://www.cirad.fr/actualites/toutes-les-actualites/communiques-de-presse/2017/la-chine-sous-la-menace-de-la-peste-porcine-africaine), https://www.straitstimes.com/asia/east-asia/chinas-agriculture-ministry…

Le 3 août, les autorités chinoises ont déclaré un foyer de peste porcine africaine (PPA) à Shenyang dans la province de Liaoning (déclaration OIE 03/08/2018), au sein d’une exploitation de 8 792 porcs dont 47 étaient malades et sont morts (taux de morbidité et mortalité de 0,5 %). Les animaux présentaient une forte hyperthermie, de l’abattement, une rougeur généralisée de la peau, une congestion et des hémorragies des nœuds lymphatiques, du cœur, de la rate et des reins ; ces animaux étaient nourris avec des eaux grasses (Xintao et al. 2018). Le foyer avait été identifié le 1er août et la présence du virus PPA a été confirmée par PCR (avec séquençage du gène) le 3 août. Le virus appartient au génotype II et présente 100 % d’homologie avec des souches isolées en Géorgie, en Russie et en Estonie entre 2007 et 2014 (Xintao et al. 2018).
Il s’agit du premier foyer de PPA déclaré en Chine. Le gouvernement local a indiqué avoir lancé un plan de réponse d’urgence à la PPA de niveau II, conformément à ses normes et protocoles relatifs à la PPA. Une série de mesures de lutte a été adoptée, dont des mesures de désinfection, de quarantaine et de restriction des mouvements des animaux à l’échelle du pays.

Le Ministère de l’agriculture et des affaires rurales a réalisé une enquête épidémiologique et un plan de surveillance d’urgence. Ce plan a été appliqué dans les provinces de Pékin, Tianjin, Hebei, la Mongolie-Intérieure, Liaoning, Jilin, Heilongjiang, Guangdong, Gansu et Xinjiang. L’origine des porcs infectés a été établie, ils provenaient de deux exploitations privées appartenant au même propriétaire. Les exploitations en question, ainsi qu’une porcherie, ont fait l'objet d'un abattage total. Les échantillons environnementaux se sont révélés positifs à l’acide nucléique de la PPA. Au total, 676 porcs ont été abattus dans la périphérie des deux exploitations porcines. Au total, plus de 10 000 échantillons ont été prélevés et 22 échantillons (provenant de Shenyang) se sont révélés positifs pour la PPA. L’enquête épidémiologique a montré que les échantillons positifs provenaient de deux villages situés dans la zone à risque ; tous les porcs vivants de ces villages ont été abattus. A la lecture des communiqués parus sur le site web du Bureau vétérinaire de la province de Liaoning, l’infection pourrait dater d’avril 2018, avec des mouvements de porcs infectés entre élevages. Selon Zintao et al. (2018), des cas « sporadiques » avec des animaux présentant le même type de signes cliniques ont été observés dans « différentes fermes porcines » au Nord de la ville de Shenyang.
Ensuite, un deuxième foyer de PPA a été identifié le 14 août à Zhengzhou à l’abattoir dans la province du Henan (déclaration OIE 16/08/2018). Trente porcs malades ont été retrouvés morts parmi 260 animaux (taux de morbidité et mortalité de 11,5 %). L’origine de l’infection est due au transport légal d’animaux contaminés. En effet, les porcs provenaient d’un marché de la ville de Jiamusi dans la province de Heilongjiang, à plus de 2 000 kilomètres au Nord-Est de l’abattoir de Zhengzhou, à 1 300 Km du premier foyer et à 120 kilomètres de la frontière russe. Le gouvernement local a lancé le plan d’urgence pour la PPA. Aucun porcin vivant ou produit animal ne peut entrer ou sortir de la zone contaminée. Des enquêtes et dépistages épidémiologiques sont en cours dans la province de Heilongjiang. L’abattoir a été fermé pour une période de six semaines. Les autorités de la ville de Zhengzhou ont indiqué que les mouvements de porcs et de produits porcins étaient interdits pendant ces six semaines.

Figure 1. Foyers de PPA en Chine au 20/08/2018 (l’abattoir de Zhengzhou est celui dans lequel ont été détectés des animaux malades provenant du foyer 2)

Figure 1. Foyers de PPA en Chine au 20/08/2018 (l’abattoir de Zhengzhou est celui dans lequel ont été détectés des animaux malades provenant du foyer 2)

Pour information, cela fait quelques années que la Russie déclare des foyers à l’Est du pays, dont notamment un foyer déclaré en Sibérie à Irkoutsk en mars 2017 (Kolbasov et al. 2018).

Enfin, dimanche 19 août, un troisième foyer a été détecté par les autorités chinoises dans la ville de Lianyungang (province de Jiangsu) avec 88 porcs morts et 615 animaux « infectés depuis le 15 août » (notification OIE http://www.oie.int/wahis_2/public/wahid.php/Reviewreport/Review?page_re…).
Le risque que représente la PPA pour les populations porcines de Chine avait déjà été analysé à plusieurs reprises (Vergne et al. 2017, FAO 2017).
Chaque année, la Chine produit 500 millions de porcs, dont 40 % dans de petites fermes familiales ne comptant parfois qu’un ou deux cochons. Le pays pourrait donc constituer un réservoir de virus très important si la PPA s’y implantait. La Chine commerce avec une multitude de pays, et accueille un nombre croissant de voyageurs provenant de régions du monde où le virus de la PPA circule. Par ailleurs, entre 1990 et 2011, les importations de porc et de produits dérivés ont été multipliées par 25. Si celles provenant de pays où sévit la PPA sont illégales, on ne peut exclure le risque lié à la contrebande ce qui apparaît inquiétant, notamment parce que le virus survit très bien dans les produits transformés comme les charcuteries. De plus, les détritus ou les eaux grasses des avions, bateaux ou restaurants sont souvent utilisés dans les élevages porcins chinois (le premier foyer a été d’ailleurs attribué par les autorités chinoises à une contamination par des eaux grasses). Cette pratique, désormais interdite dans la plupart des pays, a probablement été à l’origine de l’introduction de la PPA en Géorgie en 2007, d’où elle a ensuite essaimé vers l’Ouest de la Russie puis vers l’Europe de l’Est.

Le fait d’avoir déjà détecté plusieurs foyers distants (il y a respectivement 780, 880 et 1 650 Km à vol d’oiseau entre les foyers 1-2, 1-3 et 2-3), dont certains très loin de la frontière avec la Russie, et d’avoir détecté lors de leur abattage des porcs infectés très loin de leur foyer d’origine fait craindre que la maladie ait déjà diffusé sur le territoire chinois et soit donc difficile à maîtriser (le premier « foyer » concerne d’ailleurs plusieurs élevages infectés). Il sera particulièrement important de suivre l’évolution de la situation dans ce pays. Si le risque de diffusion naturelle de la PPA à partir de la Chine apparaît aujourd’hui très faible pour l’Europe, il faut garder à l’esprit que le principal mode de diffusion de la PPA à moyenne et longue distances est dû à des aliments produits à partir d’animaux infectés. Les très nombreux échanges, en particulier touristiques (avec transport de nourriture associé), entre la Chine et l’Europe doivent représenter à ce titre un point de vigilance.

Figure 2: Carte des foyers de PPA déclarés de janvier 2010 à juin 2017, et densité des populations de porcs

Figure 2: Carte des foyers de PPA déclarés de janvier 2010 à juin 2017, et densité des populations de porcs (source: FAO Empres-i, tiré de Kolbasov et al. 2018)

Références
Food and Agriculture Organization of the United Nations (FAO). (2017). African Swine Fever Threatens People’s Republic of China (6 March 2018). FAO Animal Health Risk Analysis – Assessment, Issue No. 5. Rome, FAO.
Kolbasov, D., Titov, I., Tsybanov, S., Gogin, A., & Malogolovkin, A. (2018). African Swine Fever Virus, Siberia, Russia, 2017. Emerging Infectious Diseases, 24(4), 796-798. https://dx.doi.org/10.3201/eid2404.171238.
Swine health information center (2018). Special Announcement: Second Case of ASF in China. https://www.swinehealth.org/special-announcement-second-case-of-asf-in-china/
Vergne, T., Chen-Fu, C., Li, S., Cappelle, J., Edwards, J., Martin, V., Pfeiffer, DU., Fusheng, G., Roger, FL. (2017) Pig empire under infectious threat: risk of African swine fever introduction into the People's Republic of China. Veterinary Record 181, 117.
Xintao Zhou, Nan Li, Yuzi Luo, Ye Liu, Faming Miao, Teng Chen, Shoufeng Zhang, Peili Cao, Xiangdong Li, Kegong Tian, Huaji Qiu, Rongliang Hu (2018) Emergence of African Swine Fever in China, 2018. https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/tbed.12989
 

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