Epidémiosurveillance en santé animale

Diffusion de la dermatose nodulaire contagieuse bovine en Eurasie

La dermatose nodulaire contagieuse bovine (DNCB) est une maladie virale contagieuse des bovins dont la seule mesure de contrôle efficace est la vaccination.
Elle est enzootique en Afrique et a diffusé vers le Nord et l’Est à partir des années 2010, jusqu’à atteindre l’Inde et la Chine en 2019.
On peut craindre une extension de la DNCB à la Mongolie et à l’Asie du Sud-Est (Thaïlande, Vietnam, Cambodge…). Ainsi, environ 500 millions de bovins et 200 millions de buffles pourraient être exposées au risque d’infection par le virus de la DNCB en Asie.

Pour le comité de rédaction de la Plateforme ESA (par ordre alphabétique) :
Julien Cauchard, Guillaume Gerbier, Renaud Lancelot
Auteur correspondant : (link sends e-mail)renaud.lancelot@cirad.fr

Source : Informations données par le Cirad – P. Caufour, S. Falala et R. Lancelot

La dermatose nodulaire contagieuse bovine (DNCB) est une maladie virale contagieuse des bovins, causée par un Capripoxvirus phylogénétiquement proche des virus de la clavelée et de la variole caprine [1]. Il est communément admis que le virus est transmis par des arthropodes hématophages (insectes, tiques). Les culicidés, tabanidés, stomoxes et moucherons culicoïdes sont les groupes de vecteurs les plus souvent évoqués, bien que peu de travaux aient été publiés à ce sujet. Compte tenu de la multiplicité des vecteurs potentiels et de l’existence de nombreux animaux infectés mais asymptomatiques lors des épizooties, la seule méthode efficace de contrôle est la vaccination [2].

La seule méthode de contrôle efficace est la vaccination
La DNCB est enzootique en Afrique ; le virus a fait, jusqu’au début des années 2010, de brèves incursions au Proche et Moyen-Orient. Cependant, à la suite d’une grande épizootie ayant touché l’Afrique du Nord et la Corne de l’Afrique autour de cette époque, il semble que le virus ait été (ré)-introduit dans la Péninsule Arabe, à l’occasion de l’importation d’animaux infectés. Il s’est alors propagé à la Turquie pendant l’été 2013, puis à la Grèce en août 2015. Il a ensuite causé une épizootie majeure dans les Balkans en 2016. Elle n’a pu être stoppée que par le mise en œuvre d’une campagne de vaccination de masse dans cette région [3].

Depuis l’Afrique, la DNCB diffuse progressivement vers l’Asie
Pendant cette épizootie, le virus continuait sa diffusion vers l’Est et le Nord de la Turquie avec l’Arménie et la Russie en 2015, la Géorgie et le Kazakhstan en 2016, l’Inde, le Kirghizstan et la Chine continentale en 2019, et Taïwan et le Népal en juillet 2020. La synthèse de ces informations est représentée sur la figure 1.

Figure 1. Distribution des pays d’Eurasie infectés de DBCB et des foyers de cette maladie notifiés par les Services Vétérinaires nationaux à l’Organisation mondiale de la santé animale

Figure 1. Distribution des pays d’Eurasie infectés de DBCB et des foyers de cette maladie notifiés par les Services Vétérinaires nationaux à l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE). Sources : bases de données en ligne WAHIS (OIE) et EMPRES-i (Food and Agriculture Organization - FAO), accès le 31/08/2020.

Cette carte révèle l’existence probable de biais de sous-déclaration, notamment au Kazakhstan, mais aussi en Inde et en Chine. Compte tenu des épizooties précédentes concernant les ruminants domestiques (peste des petits ruminants, par exemple), on peut craindre une extension de la DNCB à la Mongolie et à l’Asie du Sud-Est (Thaïlande, Vietnam, Cambodge…). Ainsi, environ 500 millions de bovins et 200 millions de buffles (effectifs des populations asiatiques en 2018 - base de données FAOSTAT consultée le 01/09/2020) pourraient être exposées au risque d’infection par le virus de la DNCB en Asie.

Manque d’informations génétiques pour une meilleure connaissance de la distribution de la maladie et de sa propagation
Les informations disponibles sur les virus de la DBCB circulant dans cette grande région sont très fragmentaires, et, pour une partie des zones géographiques, limitées au séquençage d’un nombre limité de gènes. Ces données sont insuffisantes pour faire une étude phylogéographique des souches virales identifiées. En conséquence, on ne peut pas affirmer que les virus en cause dans les foyers de DNCB observés en Inde, en Chine ou au Népal en 2019 et 2020 dérivent de ceux à l’origine de l’épizootie survenue en Turquie en 2014, même si cette hypothèse est la plus probable.
Pour mieux comprendre la propagation de la maladie, il serait nécessaire de disposer d’un plus grand nombre d’isolats, de réaliser le séquençage complet du génome des souches virales circulantes lors des émergences et ré-émergences de la DNCB, et de partager l’information dans les bases de données génétiques internationales. D’autre part, un effort de surveillance harmonisée au niveau régionale est nécessaire pour mieux connaître la distribution du virus et organiser le cas échéant des campagnes de vaccination pour contrôler cette maladie très pénalisante au plan économique.

Références

  1. Arsevska E, Bronner A, Calavas D, Caufour JCP, Falala S, Hamon M, et al. Dermatose nodulaire contagieuse des bovins : état des connaissances et situation épidémiologique dans les Balkans au 31 juillet 2016 [Lumpy skin disease: up to date knowledge and epidemiological situation in Balkans as of 31st July 2016]. Bulletin Épidémiologique Santé Animale - Alimentation. 2016;75: 1–14. Available: http://bulletinepidemiologique.mag.anses.fr/sites/default/files/M-075%2016%2008%2001%20DNC_Pub%20Ant.pdf
  2. Kitching RP. Vaccines for lumpy skin disease, sheep pox and goat pox. Developments in Biologicals (Basel). 2003;114: 161–167.
  3. Mercier A, Arsevska E, Bournez L, Bronner A, Calavas D, Cauchard J, et al. Spread rate of lumpy skin disease in the balkans, 2015–2016. Transboundary and Emerging Diseases. 2018;65: 240–243. doi:10.1111/tbed.12624
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