Epidémiosurveillance en santé animale

IAHP H5N8 en Europe : synthèse de l'avis de l'Efsa au 14 décembre 2016

Marie-Cécile Moisson (1), Alizé Mercier (2), Julien Cauchard (3), Didier Calavas (3)*, Anne Bronner (1)*

(1) DGAl - SASPP, Paris (2) CIRAD - UMR ASTRE, Montpellier (3) Anses - Unité Epidémiologie, Lyon

*Coordination Plateforme ESA

Lien vers l’avis de l’Efsa : https://www.efsa.europa.eu/sites/default/files/4687.pdf

Suite à une demande de la Commission européenne, 22 experts internationaux «  santé animale et bien-être » de l'Efsa (European Food Safety Authority)1 ont fourni le 14 décembre 2016 un avis scientifique d'urgence concernant l'efficacité des mesures de protection actuellement appliquées en Europe pour prévenir l'introduction et la propagation du virus de l'influenza aviaire hautement pathogène de type H5N8 (IAHP H5N8). Ces mesures de protection font actuellement l'objet de directives européennes (2005/734/EC, 2006/563/EC, 2010/367/EU et 2006/415/EC) traitant à la fois des systèmes de détection précoce de l'IA, des mesures de biosécurité à mettre en œuvre dans les élevages, de la restriction des mouvements de volailles, de la mise en place de zonages autour des foyers, et de la surveillance programmée.

Cet article reprend certains des points soulignés par l'avis de l'Efsa « Urgent request on avian influenza »2.

Caractéristiques génotypiques et phénotypiques de la souche IAHP H5N8

Les experts estiment que la virulence du virus H5N8 de clade 2.3.4.4 circulant actuellement apparaît plus élevée que celle du virus H5N8 détecté en 2014/2015 en Europe, appartenant au même clade 2.3.4.4 mais génétiquement différent (taux de mortalité plus élevé chez les canards domestiques en 2016, nombreuses espèces touchées dans l'avifaune non rapportées précédemment). Au vu des données disponibles, l'incidence clinique dans la population d'oiseaux sauvages parait également plus élevée que lors de l'épisode 2014/2015 lié lui aussi à un sous type H5N8 HP, ainsi que le nombre de foyers détectés en élevage ou sur des oiseaux captifs. Le plus souvent, des signes cliniques associés à une forte augmentation des mortalités ont été constatés dans les élevages. Cependant, le virus peut aussi circuler de manière asymptomatique. Par ailleurs, le virus H5N8/2016 serait principalement excrété dans les fèces, avec des charges virales importantes, alors que le virus IAHP de type H5N1 circulant en 2006 était essentiellement excrété par voies orale et respiratoire. Pour les experts, la diffusion du virus IAHP H5N8 parmi les Ansériformes sauvages et au sein des volailles domestiques en serait donc favorisée.

Modalités de surveillance des élevages de volailles en lien avec des cas IAHP H5N8 chez les oiseaux sauvages

Selon les experts, aucun élément scientifique ne permet de dire que le risque d'introduction de l'IAHP dans un élevage par des oiseaux sauvages diffère selon les sous-types.

Lorsque des cas sont détectés chez les oiseaux sauvages, il est recommandé que la zone de surveillance autour du (des) cas soit adaptée notamment selon les espèces d'oiseaux présents dans la zone concernée ainsi que le type et l'étendue de leur aire d'habitat, la période de l'année à laquelle les foyers sont détectés, et les distances de vol pouvant être parcourues par les espèces touchées. L'objectif est ainsi de mettre en place une surveillance des volailles d'élevage dans cette zone de surveillance, et d'y renforcer la vigilance des acteurs de terrain et des détenteurs de volailles, notamment en termes de biosécurité (confinement des volailles). En effet, étant donné la rapide augmentation des mortalités et morbidités observées dans la plupart des espèces de volailles atteintes par l'IAHP H5N8, la surveillance événementielle reste le moyen le plus efficace pour détecter très rapidement une circulation virale, que ce soit pour les volailles domestiques ou sauvages.

Modalités de surveillance de la circulation d'IAHP H5N8 dans l'avifaune libre et captive

En cas de détection d'un cas dans l'avifaune, les experts recommandent de cibler la surveillance évènementielle sur les nouvelles espèces et / ou les nouvelles zones ornithologiques touchées, afin d'évaluer au mieux la situation épidémiologique. Ainsi, si des oiseaux trouvés morts sont identifiés comme appartenant à une espèce déjà connue pour sa vulnérabilité et dans une zone dont la présence du virus est avérée, les analyses de laboratoire ne sont pas indispensables.

Lorsqu'ils sont gardés sur un même site, les appelants vivants utilisés pour la chasse peuvent servir d'oiseaux sentinelles. Le premier cas détecté en France a d'ailleurs été mis en évidence sur des canards siffleurs (Anas penelope) utilisés comme appelants.

Facteurs de risque de diffusion du virus

L'information relative à un parcours extérieur dans les 10 jours précédant la suspicion était disponible pour 49 élevages commerciaux infectés par le virus H5N8 HP, localisés dans quatre Etats membres. Parmi ces foyers, l'accès extérieur était possible sur tout ou partie de la journée dans 25 élevages. Les contacts directs ou indirects avec les oiseaux sauvages ont été identifiés comme la source d'introduction la plus probable d'infection pour six foyers.

Au delà des contacts directs et indirects entre l'avifaune et les élevages domestiques, ainsi que des contacts entre élevages de palmipèdes et d'autres volailles domestiques, le risque d'introduction du virus H5N8 dans un élevage de volailles peut être assimilé à celui décrit pour le virus H7N73 aux Pays-Bas en 2013:

- les caractéristiques du voisinage (environnement, densité et types des élevages voisins, réseau routier)

- la nature et la fréquence des visites (vétérinaires, approvisionnements)

- et les mesures de biosécurité adoptées pour réduire le risque d'introduction du virus.

Les experts ont identifié le respect strict des mesures de biosécurité comme le moyen le plus efficace de prévenir l'introduction du virus IAHP dans les élevages de volailles. En ce sens, il est fortement recommandé de développer des lignes directrices concernant les mesures de biosécurité, adaptées au cas par cas pour chaque exploitation de volailles domestiques, et en évitant tout contact entre l'avifaune et les volailles domestiques. Dans cet objectif, des fiches techniques ont été développées par l'Itavi (Institut technique des filières avicoles, cunicoles et piscicoles en France) et peuvent constituer un appui.

Par ailleurs, selon l'Efsa, les oiseaux appelants vivants utilisés pour la chasse ne devraient pas être déplacés, que ce soit au sein ou en dehors des zones de contrôle et de surveillance.

 

1 En collaboration étroite avec le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC), les laboratoires de référence de l'UE sur la grippe aviaire (EURL) et les autorités compétentes dans les États membres concernés.

2 EFSA AHAW Panel (EFSA Panel on Animal Health and Welfare), More S, Bicout D, Bøtner A, Butterworth A, Calistri A, Depner K, Edwards S, Garin-Bastuji B, Good M, Gortazar Schmidt C, Michel V, Miranda MA, Saxmose Nielsen S, Raj M, Sihvonen L, Spoolder H, Thulke HH, Velarde A, Willeberg P, Winckler P, Adlhoch C, Baldinelli F, Breed A, Brouwer A, Guillemain M, Harder T, Monne I, Roberts H, Cortinas Abrahantes J, Mosbach-Schulz O, Verdonck F, Morgado J and Stegeman A. Urgent request on avian influenza. EFSA Journal 2017;15(1):4687, 32 pp. doi:10.2903/j.efsa.2016.4687

3 Ssematimba A, Hagenaars TJ, de Wit JJ, Ruiterkamp F, Fabri TH, Stegeman JA, de Jong MCM, 2013. Avian influenza transmission risks: Analysis of biosecurity measures and contact structure in Dutch poultry farming. Preventive Veterinary Medicine 109 (1-2), 106-115.

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