Epidémiosurveillance en santé animale

Influenza aviaire hautement pathogène chez les mammifères – point au 22/11/2024

Pour le comité de rédaction de la Plateforme ESA : Julien Cauchard, Céline Dupuy, Guillaume Gerbier, Sophie Molia, Jennifer Pradel, Carlène Trevennec, Sylvain Villaudy

Pour le Laboratoire de Référence : Eric Niqueux

Autres experts sollicités : Sibylle Bernard-Stoecklin (Santé Publique France), Nolwenn Le Moal (DGAL), Loic Palumbo (OFB - SAGIR), Axelle Scoizec (Anses Episabe), Sarah Wund (Observatoire PELAGIS)

 

Auteur correspondant : plateforme-esa@anses.fr

Essentiels
  • La prévalence des cas d’infection par des virus de l’IAHP chez les mammifères a augmenté depuis avril 2022, sur plusieurs continents en particulier en Amérique du Nord, Amérique du Sud et Europe. 
  • Le sous-type H5N1 est majoritairement détecté, mais des cas sporadiques de H5N8 et H5N5 ont également été confirmés.
  • Les espèces carnivores représentent la majorité des cas sauvages et des foyers domestiques. Leurs caractéristiques écologiques (prédation, nécrophagie), de sensibilité spécifique, et la transmission intraspécifique (e.g vison) pourraient expliquer le nombre important de cas chez certaines espèces.
  • Les foyers et cas ont principalement été détectés dans des contextes de circulation virale d’IAHP dans l’avifaune sauvage.
  • Une épizootie chez les bovins laitiers, associée à une transmission entre bovins et des cas de contamination de travailleurs en élevage, a été détectée aux Etats-Unis en mars 2024 ; elle aurait débuté dès fin 2023 et se poursuit toujours actuellement.
  • La transmission intraspécifique, de mammifères à mammifères, a été confirmée dans plusieurs cas, notamment en élevages de visons et de bovins laitiers. Elle est suspectée dans les colonies de mammifères marins (otaries).

 

Sources

Sources de données :

  • United State Department for Agriculture (USDA) pour les Etats-Unis, 
  • United Kingdom Government Animal and Plant Health Agency (APHA) pour le Royaume-Uni
  • World Animal Health Information System (WAHIS) et Organisation Mondiale de la Santé Animale (OMSA) pour tous les autres pays extraits le 22/11/2024.
  • ProMED-mail extrait depuis le 01/01/2021 et dernièrement consulté le 22/11/2024. Suite à une modification des politiques d’archivage, les posts ProMED de plus de 30 jours ne sont plus accessibles en ligne.

Selon les sources de données une notification peut correspondre à un cas sauvage, foyer en élevage, plusieurs cas sauvages groupés ou liés épidémiologiquement.

 

L’influenza aviaire hautement pathogène (IAHP) est une maladie contagieuse des oiseaux, potentiellement zoonotique, à fort impact pour les filières de production avicoles, pouvant représenter un risque pour la santé humaine et un enjeu de conservation des populations sauvages. L’avifaune sauvage peut jouer différents rôles dans l’épidémiologie du virus : révélateur ou sentinelle, réservoir, et/ou propagateur, parfois sur de longues distances (oiseaux migrateurs). Les virus de l’IAHP de sous-type H5 appartenant à la lignée A/goose/Guangdong/1/1996 ont émergé depuis plusieurs décennies, causant des épizooties récurrentes chez les oiseaux domestiques et sauvages, d’extension intercontinentale depuis 2005. Ces virus se sont progressivement diversifiés en dix clades (identifiés d’après les séquences du gène H5) et de nombreuses subdivisions. Suite à leur émergence en 2013 en Asie, les virus de l’IAHP A(H5) de clade 2.3.4.4b ont connu dès 2016 une première expansion panzootique englobant le supercontinent eurasiatique et l’Afrique. Une seconde vague d’expansion intercontinentale des virus de ce même clade a débuté en fin d’année 2020 et se poursuit jusqu’à aujourd’hui, causant des épizooties annuelles chez les oiseaux sauvages et domestiques. Les virus de l’IAHP A(H5) de clade 2.3.4.4b ont été détectés pour la première fois sur le continent américain en 2021, et se sont ensuite largement répandus en Amérique du Nord et en Amérique du Sud. L’expansion du virus de clade 2.3.4.4.b s’est accompagnée d’une augmentation des détections chez les hôtes inhabituels du virus, notamment les mammifères sauvages.

 

La détection de l’IAHP chez une espèce mammifère (hôte inhabituel) constitue un évènement épidémiologique exceptionnel, et doit donc être notifié à l’OMSA (code terrestre - article 1.1.3 -1.f24h suivant la confirmation du diagnostic. Les notifications sont communiquées directement dans l’interface WAHIS ou par courrier électronique (code terrestre article 1.1.5). L’intégralité des notifications officielles à l’OMSA sont disponibles sur la page dédiée (lien). 

 

Au niveau européen, la surveillance est recommandée par la réglementation européenne (règlement délégué (UE) 2020/689 : article 4 et annexe II – section 10). 

 

Certains pays, dont les Etats-Unis et le Royaume-Uni mettent en ligne leur décompte de cas sur une page web dédiée.

 

Situation au 22/11/2024 – déclarations officielles

 

Depuis le 01/01/2021, 1644 cas d’infection par un virus de l’IAHP chez 55 espèces de mammifères terrestres ou aquatiques ont été déclarés dans 27 pays en Europe (208 cas), en Amérique du Nord (1322 cas), en Amérique du Sud (104 cas) et en Asie (10 cas)(sources : WAHISOMSA (article 1.1.5), USDA pour les Etats-Unis et APHA pour le Royaume-Uni consultés le 22/11/2024).

 

 

Figure 1 : Incidence cumulée des cas d’infection par des virus de l’IAHP détectés chez des espèces de mammifères depuis le 01/01/2021 (première détection de la période le 30/09/2021) (sources : WAHISOMSA (article 1.1.5), USDA pour les Etats-Unis et UK.GOV pour le Royaume-Uni consultés le 22/11/2024).

 

 

En 2021, le nombre de détection est très restreint. Quatre cas ont été détectés : H5N8 au Danemark sur un phoque commun (Phoca vitulina) le 30/09/2021 et H5N1 au Royaume-Uni sur phoque gris (Halichoerus grypus) le 18/10/2021, en Estonie et au Royaume-Uni sur des renards roux (Vulpes vulpes) les 25/11 et 06/12/2021.

 

Le début d’année 2022 présente également une incidence faible. Cinq cas ont été détectés : en Irlande sur un renard roux le 10/02/2022 et, au Royaume-Uni, les 07 et 14/03/2022 sur un renard roux en Angleterre et un phoque commun et deux loutres d’Europe (Lutra lutra) en Ecosse.

 

La première détection de H5N1 clade 2.3.4.4b chez un mammifère sur le continent américain concerne un cas détecté chez un dauphin tursiops (Tursiops truncatus) le 30/03/2022 en Floride. A partir du mois d’avril 2022, le nombre de détections a augmenté considérablement en Amérique du Nord. 

 

Le nombre de détection s’est ensuite accéléré en 2023 et 2024. Les totaux par espèce et par continent sont présentés dans le tableau 1.

 

La quasi-totalité des détections concerne le sous-type H5N1. Des cas sporadiques de H5N5 ont été confirmés au Canada (n=6 sur des ratons laveurs (Procyon lotor), moufettes rayées (Mephitis mephitis) et renards roux) et en Norvège (n=2 sur raton laveur et moufette rayée).

 

Tableau 1 : Nombre de déclarations officielles de cas d’infection par des virus de l'IAHP chez des espèces de mammifères déclarés depuis le 01/01/2021. (Sources : WAHIS, OMSA, USDA pour les Etats-Unis et UK.GOV pour le Royaume-Uni consultés le 22/11/2024.

Région

Type

Nombre total de déclarations

Date de première suspicion

Date de dernière suspicion

Espèces et nombre de déclarations

Amérique du Nord

Aquatique

29

30/03/2022

04/01/2024

Phoque commun (23), Grand dauphin (4), Phoque gris (2)

Terrestre

1 293

01/04/2022

12/12/2024

Bovins (845), Renard roux (128), Souris commune (83), Mouffette rayée (64), Chat domestique (56), Raton laveur (28), Puma (24), Souris sylvestre d'Amérique (14), Lynx roux (9), Putois (7), Opossum d'Amérique (6), Ours noir (5), Ours brun (grizzly) (3), Pékan (3), Vison d'Amérique (3), Coyote (2), Ours polaire (2), Alpaga (1), Campagnol américain des plaines (1), Chiens (1), Ecureuil d'Abert (1), Lapin du désert (1), Loutre de rivière (1), Léopard de l'Amour (1), Martre d'Amérique (1), Ours kodiak (1), Porc (1), Tigre de l'Amour (1)

Amérique du Sud

Aquatique

101

18/01/2023

12/01/2024

Otarie à crinière (73), Otarie à fourrure australe (12), Éléphant de mer austral (9), Loutre marine (2), Dauphin noir du Chili (1), Grand dauphin (1), Loutre du Chili (1), Marsouin de Burmeister (1), Otarie de Kerguelen (1)

Terrestre

3

26/01/2023

05/05/2023

Lion (2), Coati à queue annelée (1)

Asie

Terrestre

10

31/03/2022

08/09/2024

Renard roux (3), Chat domestique (2), Tigre de l'Amour (2), Chien viverrin (1), Lion (1), Panthère (léopard) (1)

Europe

Aquatique

15

30/09/2021

08/09/2023

Phoque gris (7), Phoque commun (5), Dauphin commun (2), Marsouin commun (1)

Terrestre

193

08/11/2021

22/05/2024

Renard roux (73), Renard polaire (isatis) (67), Vison d'Amérique (15), Loutre d'Europe (12), Chien viverrin (10), Chat domestique (4), Mustelidae (non identifiée) (2), Putois (2), Chiens (1), Coati à queue annelée (1), Lynx d'Eurasie (1), Martre (1), Morse (1), Otarie à fourrure du nord (1), Raton laveur (1), Zibeline (1)

 

Plus de détails par pays sont disponibles sur demande 

 

 

Compléments et autres cas reportés (non déclarés dans les bases de données officielles)

 

Cette partie comporte des détections, non notifiées dans les bases officielles, le plus souvent rapportées par les autorités sanitaires locales ou le réseau ProMED[1]. Quelques détections, par ailleurs recensées dans le tableau 1, sont également détaillées sur des informations complémentaires d’intérêt.

 

 

  1. Amérique du Sud

 

Iles Australes

En Géorgie du Sud et dans les Iles Sandwich du Sud (îles britanniques situées à 1 500km à l’est des Malouines) :

Un premier cas sur mammifère a été confirmé sur des éléphants de mer australs (Mirounga leonine) et des otaries de Kerguelen (Arctocephalus gazella) retrouvés morts (Banyard et al. 2024). Ces détections ont été observées dans le contexte de mortalité des oiseaux marins sur ces îles (source : WAHIS-OMSA le 13/01/2024).

 

  1. Europe

 

France (cf Note bilan IAHP 2022-2023)

En novembre 2022, un cas a été détecté sur un ours noir tibétain (Ursus thibetanus) dans le parc zoologique de Sigean (département de l’Aude). L’animal a présenté des signes respiratoires et d’infection systémique, jusqu’au décès. Des cas d’IAHP ont été confirmés au même moment sur plusieurs espèces d’oiseaux en captivité et sauvages dans le parc. Les virus identifiés à partir de ces différents cas étaient apparentés entre eux et appartenaient au même génotype (Bessière et al. 2024; EFSA, Adlhoch, et al. 2023; Briand et al. 2024). 

 

Pologne (Note bilan IAHP 2022-2023)

Le 19/06/2023, un premier cas a été suspecté sur un chat domestique. Au total, plus de 30 chats domestiques présentant des signes cliniques ou une mortalité ont été confirmés infectés par le virus IAHP A(H5N1) dans neuf voïvodies[2] différentes en Pologne aux mois de juin et juillet 2023 (Sources : autorités polonaises 2023, EFSA, ECDC, LRUE, Adlhoch, Fusaro, Gonzales, Kuiken, Mirinavičiūtė, et al. 2023). Sur la base des données épidémiologiques existantes et des données de séquençage du génome complet des virus identifiés, un scénario possible est la contamination par l'alimentation de ces chats avec de la viande de volaille crue contaminée par le virus de l'IAHP. Aucun événement de transmission aux propriétaires d'animaux de compagnie exposés ou à d'autres personnes exposées n'a été observé. (EFSA, ECDC, et al. 2023; Domańska-Blicharz et al. 2023).

 

Suède

Fin juin 2022, un cas a été détecté sur un marsouin commun, trouvé vivant mais présentant des signes neurologiques importants (méningoencéphalite). La souche isolée est proche de celle identifiée chez l’avifaune sauvage à cette période (source : ProMED le 05/09/2022, 22/03/2023, (Thorsson et al. 2023)).

 

 

 

Analyse et interprétation

Les cas d’infection par des virus de l’IAHP confirmés chez les mammifères terrestres et aquatiques ont le plus souvent été détectés dans un contexte de de circulation virale dans l’avifaune ou de mortalités massives d’oiseaux. Les souches identifiées chez les mammifères sont de manière générale apparentées aux souches et génotypes contemporains de virus de l’IAHP circulant le plus fréquemment chez les oiseaux (Fusaro et al. 2024). 

 

Les carnivores sauvages et domestiques sont les espèces de mammifères les plus touchées par les virus de l'IAHP. Les espèces sauvages libres concernées sont principalement celles qui chassent les oiseaux sauvages, se nourrissent d'oiseaux sauvages morts, ou partagent leur habitat. Les nombreuses détections du virus de l'IAHP A(H5N1) chez des renards roux sont probablement la conséquence de la vaste distribution de cette espèce, qui recoupe largement la répartition géographique des foyers d'IAHP A(H5N1), et de son régime alimentaire, qui comprend en partie des oiseaux sauvages chassés et charognés. 

 

Les foyers détectés dans les élevages d’animaux de fourrure en Espagne et en Finlande ont suggéré la transmission entre mammifères au sein des élevages, avec l’identification fréquente de plusieurs marqueurs génétiques spécifiques d’adaptation ou de virulence accrue, acquis rapidement après transmission aux mammifères (Fusaro et al. 2024). Ces constats et les hypothèses induites soulignent l’importance de prévenir les contaminations de ces élevages, notamment par contacts avec l’avifaune sauvage. La transmission directe entre visons par aérosols a été d’ailleurs mise en évidence en conditions expérimentales (Restori et al. 2024).

 

La transmission intraspécifique est fortement suspectée chez les mammifères marins. Une forte mortalité et des signes neurologiques, notamment de méningo-encéphalite ont été fréquemment observés. Les espèces jouant un rôle clé dans la circulation et le maintien et les modes de transmissions du virus ne sont pas encore connus. Un cas humain a été détecté au Chili, infecté par une souche présentant les mêmes caractéristiques d’adaptation aux mammifères que celles identifiées chez les pinnipèdes. La voie de transmission indirecte par contamination de l’environnement est privilégiée (Peacock et al. 2024).

 

 

L’épisode observé chez les chats en Pologne a mis en évidence le risque pour les animaux de compagnie. Infectés par le virus IAHP, ils peuvent devenir un risque potentiel d'exposition pour d'autres animaux et les propriétaires d'animaux de compagnie.

 

Zoom sur les ruminants (épizootie aux États-Unis)

Aux Etats-Unis, pour la première fois, le virus H5N1 a été détecté sur des caprins le 24/02/2024, dans un élevage de 165 chèvres dans le Minnesota (Stevens County). Cinq chevreaux nouveau-nés ont été confirmés positifs par RT-PCR. Ils ont présenté des signes cliniques neurologiques et sont morts. Sur le même site, un élevage de volailles était touché par le virus IAHP, les chevreaux avaient été en contact avec les oiseaux de la basse-cour présente sur le site (source : WAHIS-OMSA le 18/03/2024). La souche incriminée appartenait au génotype B3.6 (Detwiler 2024).

Les deux premiers foyers sur des bovins laitiers ont été détectés le 20/03/2024 au Texas (huit bovins confirmés) et le 21/03/2024 au Kansas (un bovin). Les animaux présentaient des signes cliniques, dont une chute inhabituelle de production (en fin de lactation) et une baisse d’appétit. L’infection par le virus IAHP H5N1 clade 2.3.3.4b a été confirmée par RT-PCR sur écouvillons oropharyngés et échantillons de lait cru. Le diagnostic a été motivé par la détection d’oiseaux sauvages morts sur le site d’un des élevages au Texas (source : WAHIS-OMSA le 26/03/2024). Les détections se poursuivent au mois d’avril 2024 et les cas se sont propagé rapidement à plusieurs autres Etats.

Au 18/11/2024, 549 foyers ont été détectés sur des bovins laitiers dans quinze États : Californie, Caroline du Nord, Colorado, Dakota du Sud, Idaho, Iowa, Kansas, Michigan, Minnesota, Nouveau Mexique, Ohio, Oklahoma, Texas, Utah et Wyoming. La majorité des détections récentes a été faite en Californie (n=201 foyers détectés entre les 19/10 et 18/11/204), Idaho (n=2) et Utah (n=13) (source : USDA APHIS consulté le 18/11/2024).

Les analyses de séquences de virus isolés sur les chevreaux (février 2024) et les bovins laitiers ont permis d’identifier deux génotypes différents, ce qui suggère qu’il s’agit d’évènements d’introductions indépendants (source : WAHIS-OMSA consulté le 22/04/2024). La souche en cause pour les bovins appartient au génotype B3.13. Les investigations qui ont suivi, ont montré qu’il y avait une transmission entre bovins, et donc entre élevages de bovins, ainsi qu’une transmission (mais non encore expliquée) des bovins vers les volailles (source : APHIS le 24/04/2024). Les analyses de séquences suggèrent que le virus a été introduit par contact avec les oiseaux sauvages (évènement unique) dans la population des bovins laitiers dès fin 2023 (source : Promed le 28/04/2024, Mallapaty 2024). L’hypothèse principale de transmission intra-troupeau porte sur la contamination des machines à traire. La transmission par voies aérienne n’est pas encore démontrée avec certitude (Peacock et al. 2024).

Plusieurs cas ont été détectés sur des chats présents dans les élevages infectés. L’investigation de ces cas suggère 1) un taux de mortalité élevé (~50%) et une létalité rapide, 2) une contamination par l’ingestion de colostrum et de lait cru issu de bovins malades, 3) des symptômes neurologiques et des lésions systémiques importantes, similaires à celles déjà observées chez les chats infectés par contact avec des oiseaux sauvages (source : CDC early release 2024Promed le 28/04/2024Burrough et al. 2024). 

Des souches d’origine bovines ont également été détectés chez des alpagas. Des cas chez des mammifères terrestres sauvages et domestiques (raton-laveur, chat domestique) ont été détectés, peut-être contaminés par ingestion de lait cru (Caserta et al. 2024).

 

Cas humains aux États-Unis

Depuis l’émergence et la diffusion de virus de l’IAHP A(H5N1) de génotype B3.13 aux Etats-Unis, des cas humains se produisent au contact de bovins et de volailles infectés par ce génotype. 

Les premiers cas humains dus à ce génotype ont été détectés en mai 2024 dans le Michigan (2 cas), puis en juillet dans le Colorado (9 cas) et en août au Texas (1 cas). Depuis, la situation est devenue très évolutive, de façon concomitante à la multiplication des foyers en Californie. 

Au 21 novembre, 53 cas étaient ainsi recensés pour l’année 2024 (41 depuis septembre 2024) aux Etats-Unis, dont 31 exposés à des bovins infectés, 21 à de la volaille infectée (ces derniers n’étant pas tous dus à B3.13) et 1 cas sans source d’exposition connue infecté par le génotype B3.13. Pour ce dernier cas, détecté dans le Missouri en octobre 2024, une analyse sérologique menée chez une personne de son entourage proche ayant également développé des symptômes respiratoires de façon concomitante, a pu mettre en évidence une séroconversion pour un virus H5, suggérant une infection à la même source. 

Tous les cas humains détectés aux Etats-Unis ont présenté des symptômes cliniques de faible intensité (principalement conjonctivite et signes respiratoires modérés).

Par ailleurs, une étude sérologique publiée en novembre 2024 dans MMWR (Mellis 2024) conduite auprès de 115 personnes travaillant dans des élevages de bovins laitiers infectés par B3.13 dans le Michigan et le Colorado a montré une séroprévalence de 7% pour les anticorps dirigés contre un virus H5. Parmi les 8 cas détectés, la moitié ne rapportaient pas avoir eu des symptômes de façon concomitante à l’infection des bovins auxquels ils avaient été exposés, et tous avaient participé à la traite des bovins ou au nettoyage des salles de traite.

Ces transmissions multiples à l’interface mammifères/homme et volailles/homme constituent un élément préoccupant à suivre de près dans le contexte actuel. Le fait que l’infection humaine par ce virus soit bénigne, voire asymptomatique, dans une proportion élevée des cas rend plus difficile sa détection, et il est probable que des contaminations humaines soient restées inaperçues et continuent de l’être. 

Les cas humains dus à un virus IAHP détectés aux Etats-Unis sont visibles sur le site des CDC Etats-Uniens. Les données sont mises à jour trois fois par semaine, les lundis, mercredis et vendredis.

 

Compléments de littérature

 

Le consortium Enetwild (lien), supporté par l’EFSA[3], a rédigé une revue de la littérature sur le rôle des mammifères dans la persistance, la diffusion  et le potentiel pandémique de virus de l’influenza aviaire, notamment les virus de l’IAHP (Enetwild et al. 2024). Cette revue met en lumière les points suivants :

  • Les caractéristiques écologiques (prédation, charognage) et/ou une plus grande réceptivité aux virus de l’IAHP (e.g visons) pourraient expliquer cette prévalence des cas de H5N1 et d’autres sous-types chez certaines espèces;
  • La transmission entre mammifères a été suspectée chez les renards roux, les chiens viverrins et les visons d’Amérique en captivité en Chine, impliquant les sous-types H5N1 et H9N2 (Qian et al., 2021 ; Yong-Feng et al., 2017 ; Qi et al., 2009). En milieu sauvage, des observations de transmission potentielle entre mammifères ont été enregistrées pour le lion de mer sud-américain (Otaria flavescens) au Chili et au Pérou impliquant le sous-type H5N1 (Ulloa et al., 2023 ; Gamarra-Toledo et al., 2023) ; bien que les données épidémiologiques suggèrent une transmission potentielle entre lions de mer, les analyses phylogénétiques ont indiqué une transmission initiale à partir de sources aviaires (Pardo-Roa et al., 2023);
  • Les marqueurs moléculaires des mutations chez les mammifères ont été trouvés principalement sur le sous-type H5N1 et comprenaient, pour les mutations les plus fréquentes, E627K et D701N sur le segment du gène PB2 (Hatta et al., 2007), qui ont été identifiés chez les renards roux et diverses espèces de mustélidés,en infection naturelle dans la nature et en élevage) (Elsmo et al., 2023 ; Tammiranta et al., 2023 ; Vreman et al., 2023 ; YongFeng et al., 2017) et un lynx (Tammiranta et al., 2023), ce qui soulève des préoccupations particulières quant à la propagation dans les zones à forte densité de ces populations hôtes (Root et al., 2015).
  • Les pays ayant détecté le plus de cas sont situés sur des voies migratoires majeures (sujet non détaillé ici, les auteurs n’ont pas investigué si les emplacements des épidémies présentaient des similitudes en termes de systèmes d’élevage, de densité de volailles, de mesures de biosécurité, d’abondance/densité d’espèces charognards, d’abondance de zones humides, de connectivité de l’habitat (pour l’espèce d’intérêt) et d’autres facteurs environnementaux).

Conclusion

 

Le nombre de détections de cas d’infection par des virus de l’IAHP chez les mammifères s’est accru de façon importante depuis avril 2022 sur le continent américain et en Europe. Le sous-type H5N1 est très largement majoritaire depuis 2022. Les carnivores sauvages et domestiques, mammifères les plus touchées, se contaminent par prédation ou consommation de viandes de volailles infectées. 

L’identification de cas d’infection par des virus de l’IAHP chez les mammifères s’est faite en grande majorité par le biais d’une surveillance évènementielle (espèces sauvages), ou au cours d’investigations épidémiologiques motivées par des découvertes fortuites (élevages de ruminants) ou dans des contextes de circulation virale importante dans l’avifaune (élevages de fourrure). Les biais de détections ne sont pas évalués à ce stade.

La surveillance des cas d’infection par des virus de l’IAHP chez les mammifères est recommandée pour améliorer la caractérisation des virus circulant dans les populations sauvages et domestiques, tant à des fins de santé publique que de conservation des espèces. Cette surveillance doit d’abord cibler spécifiquement les animaux détenus et les animaux de compagnie en contexte d’exposition au virus IAHP (circulation virale dans l’avifaune). Concernant la faune sauvage libre, une surveillance complémentaire du virus IAHP peut s’appuyer sur les dispositifs existants de la surveillance évènementielle chez les mammifères sauvages en utilisant d’autres types de prélèvements : cela nécessitera l’adaptation et la caractérisation des outils diagnostiques pour l’analyse de certaines matrices de prélèvements supplémentaires (e.g. caillots cardiaques, exsudats d’organes pour analyses sérologiques).

 

Références

 

Banyard, Ashley C., Ashley Bennison, Alexander M. P. Byrne, Scott M. Reid, Joshua G. Lynton-Jenkins, Benjamin Mollett, Dilhani De Silva, et al. 2024. « Detection and Spread of High Pathogenicity Avian Influenza Virus H5N1 in the Antarctic Region ». Nature Communications 15 (1): 7433. https://doi.org/10.1038/s41467-024-51490-8.

Bessière, Pierre, Nicolas Gaide, Guillaume Croville, Manuela Crispo, Maxime Fusade-Boyer, Yanad Abou Monsef, Malorie Dirat, et al. 2024. « High pathogenicity avian influenza A (H5N1) clade 2.3.4.4b virus infection in a captive Tibetan black bear (Ursus thibetanus): investigations based on paraffin-embedded tissues, France, 2022 ». Microbiology Spectrum 12 (3): e03736-23. https://doi.org/10.1128/spectrum.03736-23.

Briand, Francois-Xavier, Marielle Beltrame, Carole Guillemoto, Rachel Busson, Laetitia Pigeyere, Véronique Beven, Arnaud Felten, et al. 2024. « Highly Pathogenic Avian Influenza A (H5N1) Clade 2.3.4.4b Virus Infection in Captive Bears (Ursus Thibetanus) and in Captive and Wild Birds, France, 2022 ». German Journal of Veterinary Research 4 (1): 7781. https://doi.org/10.51585/gjvr.2024.1.0077.

Burrough, Eric R., Drew R. Magstadt, Barbara Petersen, Simon J. Timmermans, Phillip C. Gauger, Jianqiang Zhang, Chris Siepker, et al. 2024. « Highly Pathogenic Avian Influenza A(H5N1) Clade 2.3.4.4b Virus Infection in Domestic Dairy Cattle and Cats, United States, 2024 - Volume 30, Number 7—July 2024 - Emerging Infectious Diseases Journal - CDC ». https://doi.org/10.3201/eid3007.240508.

Caserta, Leonardo C., Elisha A. Frye, Salman L. Butt, Melissa Laverack, Mohammed Nooruzzaman, Lina M. Covaleda, Alexis C. Thompson, et al. 2024. « Spillover of Highly Pathogenic Avian Influenza H5N1 Virus to Dairy Cattle ». Nature 634 (8034): 66976. https://doi.org/10.1038/s41586-024-07849-4.

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[1] les articles ProMED de plus de 30 jours ne sont plus accessibles.

 

[2] Unité administrative polonaise de premier niveau

[3] European Food Safety Agency

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