Epidémiosurveillance en santé animale

Le virus Schmallenberg en Europe du Nord

L'identification d'un (nouvel) orthobunyavirus, le virus Schmallenberg, en Allemagne et aux Pays-Bas, en décembre 2011, a fait l'objet d'un article publié dans le bulletin épidémiologique Santé animale – alimentation (accessible ici), dont le contenu est relayé ci-après.

Un nouvel orthobunyavirus en Europe du Nord ?

A paraître dans le Bulletin Epidémiologique N°47

Auteurs

Didier Calavas (1), Morgane Dominguez (1), Jérôme Languille (2), Corinne Sailleau (3), Emmanuel Bréard (3), Philippe Marianneau (4), Pascal Hendrikx (1), Stéphan Zientara (3)

(1) Anses, Direction scientifique des laboratoires, Plateforme de surveillance épidémiologique en santé animale, Maisons-Alfort

(2) Dgal, Bureau de la Santé animale, Plateforme de surveillance épidémiologique en santé animale, Paris

(3) Anses, Laboratoire de santé animale de Maisons-Alfort

(4) Anses, Laboratoire de Lyon

 

Des troubles de santé d’origine inexpliquée affectant des vaches laitières ont été observés entre août et octobre 2011 dans le nord ouest de l’Allemagne (Rhénanie du Nord et Westphalie) et aux Pays Bas. Les symptômes étaient une hyperthermie (dans certains cas supérieure à 40°C), une perte d’appétit, une baisse de la production laitière pouvant atteindre 50%, des diarrhées qualifiées de sévères, et parfois des avortements. Le retour à la normale était observé en quelques jours.

De nombreux agents pathogènes, virus et bactéries, ont été recherchés sans succès sur les prélèvements réalisés chez les bovins malades ; en particulier l’utilisation de la bio-puce Epizone Biochip 5.1 comportant plus de 2 000 amorces de virus a donné des résultats négatifs.

En novembre, le Friedrich Loeffler Institut (FLI) a analysé cent prélèvements provenant d’animaux malades dans quatorze fermes de la région de Schmallenberg (près de Dortmund) et a mis en évidence des séquences virales chez neuf de ces animaux. Les séquences virales mises en évidence présentent un haut degré d’homologie avec le groupe Simbu du genre Orthobunyavirus, qui comprend les virus Akabane, Aino et Shamonda : 70% d’homologie du segment L avec Akabane, 48% pour le segment M avec Aino et 96% pour le segment S avec Shamonda. Le virus a ainsi été dénommé provisoirement virus Schmallenberg et qualifié d’Akabane-like. Il vient d’être isolé par le FLI sur culture de cellules KC et BHK 21, ce qui devrait permettre d’obtenir rapidement des éléments génétiques sur ce virus.

Le rôle causal de ce virus est encore à établir, mais le fait que 90 prélèvements provenant de zones non touchées en Allemagne aient fournis des résultats négatifs est un premier élément allant dans ce sens. De même, une RT-PCR en temps réel, développée par le FLI visant une de ces séquences, réalisée sur 50 sérums de bovins touchés dans l’est des Pays Bas, a fourni 25 résultats positifs (dont 16 très positifs) alors que des bovins prélevés dans l’ouest du pays fournissaient des résultats négatifs.

Les virus du genre Orthobunyavirus sont présents en Afrique, Asie, Australie et ont été signalés en Israël. Ces virus atteignent les bovins, les buffles, les moutons, les chèvres, les chevaux et les chiens ; les virus du groupe Simbu ne sont pas considérés comme zoonotiques. Ils provoquent en général des symptômes légers mais s’ils touchent des femelles en début de gestation (entre 30 et 70 jours de gestation chez la brebis, entre 30 et 150 jours chez la vache), ils peuvent entraîner des avortements et sont tératogènes : arthrogrypose, raccourcissement des tendons du jarret, déformations de la mâchoire, hydranencéphalie (comme pour la FCO). Une épizootie de la maladie d’Akabane a ainsi été observée dans les années 1970-1975 dans la région d’Akabane au Japon, vraisemblablement dans une région indemne du virus, provoquant la naissance de dizaine de milliers de veaux anormaux. Les virus de ce groupe Simbu sont transmis par des Culicoides (C brevitarsis par ex. en Australie) et pourraient également l’être par des moustiques (Aedes, ou Culex) ou par certaines espèces de tiques.

Mi décembre 2011, des malformations constatées sur des foetus ovins dans douze fermes aux Pays Bas (chez lesquels les mêmes séquences virales ont été mises en évidence sur prélèvements de cerveau) ont conduit les autorités sanitaires hollandaises à alerter les pays voisins. En effet, en raison de la diminution des populations de vecteurs en cette période de l’année, la survenue de nouveaux épisodes cliniques chez des ruminants adultes est actuellement peu plausible, cependant des malformations pourraient-être observées sur des foetus ou des nouveau-nés bovins ou ovins dont la mère aurait été infectée durant la gestation. La vigilance est donc de mise.

En France, le Laboratoire de santé animale de l’Anses de Maisons-Alfort (UMR de virologie), est déjà en capacité de conduire le diagnostic par une technique de RT-PCR en temps réel développée par le FLI (la cible est le segment L du virus SCV). Plusieurs prélèvements issus d’animaux français avec signes cliniques « FCO-like » (PCR FCO et EHDV négatives) ont été testés au laboratoire d’Alfort avec ces PCR et ont obtenu des résultats négatifs. Ces prélèvements ont été inoculés en parallèle à différentes lignées cellulaires (BHK-21 ; Vero ; KC).

Si cette émergence se confirmait, elle rappellerait curieusement une autre émergence virale, celle la fièvre catarrhale ovine de sérotype 8 en 2006 dans une région proche, entre Pays Bas, Allemagne et Belgique.