L’OMAA : un système de surveillance innovant
Groupe de suivi OMAA de la Plateforme ESA (par ordre alphabétique) : Adeline Alexandre (GDS France), Brigitte Barthelet (DRAAF), Samuel Boucher (SNGTV), Sophie Carles (INRAE), Axel Decourtye (ITSAP), Emilie Delmar (INRAE), Florentine Giraud (FNOSAD), Marion Guinemer (ADA France), Marion Laurent (Anses), Agnès Ménage (FRGTV), Muriel Orlowski (DDecPP), Maryline Pioz (INRAE), Cédric Sourdeau (DGAl), Vincent Vanharen (GNTSA), Alain Viry (ADILVA), Sébastien Wendling (DGAl).
Auteur correspondant : emilie.delmar@inrae.fr
Les objectifs de l'OMAA en tant que système de surveillance.
La construction de l’Observatoire des Mortalités et des Affaiblissements de l’Abeille mellifère (OMAA), initiée en 2015, est liée à la volonté d’étendre la surveillance épidémiologique existante en filière apicole à tous les troubles de santé observés sur les colonies d’abeilles. L’OMAA a ainsi pour objectif de faire l’inventaire et l’analyse de la dynamique spatio-temporelle des mortalités et des affaiblissements des colonies d’abeilles domestiques en France métropolitaine, d’identifier les cas groupés et de lancer des alertes. Ce système de surveillance novateur doit permettre de répondre aux attentes des apiculteurs, de leurs organisations et des pouvoirs publics, en favorisant la compréhension des événements de santé qui touchent les ruchers, en émettant des alertes précoces en cas d’augmentation anormale des événements d’affaiblissement et/ou de mortalité et en consolidant un maillage d’acteurs sanitaires apicoles opérationnel sur le territoire (vétérinaires, techniciens sanitaires apicoles, agronomes). Piloté au niveau national par la DGAl, l’OMAA est co-animé par la DGAl, INRAE et l’Anses depuis 2021. Le comité de pilotage du dispositif est le Comité d’experts apicole du CNOPSAV.
Le fonctionnement de l’OMAA dans les trois régions pilotes
Afin de tester l’opérationnalité de l’OMAA et d’identifier des voies d’amélioration, le système de surveillance a été déployé expérimentalement dans trois régions : la Bretagne et les Pays de la Loire à partir d’août 2017, la région Auvergne-Rhône-Alpes depuis le mois d’avril 2019. Dans ces régions, les apiculteurs et toute autre personne constatant un évènement de santé dans un rucher sont invités à contacter un guichet unique régional de l’OMAA. La mise en œuvre de ces guichets est confiée aux Fédérations régionales des groupements techniques vétérinaires (FRGTV) pour les trois régions et la déclaration des troubles observés se fait auprès d’un vétérinaire formé en apiculture et pathologie apicole. Ce dernier est chargé d’orienter le cas vers le dispositif de surveillance adapté. Une investigation sur le rucher peut ainsi être mise en œuvre via le dispositif de surveillance des maladies réglementées dans le cadre de la police sanitaire, le dispositif de surveillance des mortalités massives aiguës d’abeilles avec suspicion d’intoxication ou le dispositif de surveillance des « Autres troubles ». En ce qui concerne les deux premiers dispositifs, les investigations sont conduites par l’Etat qui mobilise ses agents et/ou des vétérinaires mandatés. Les investigations du dispositif des « Autres troubles » sont conduites par les FRGTV qui mobilisent des vétérinaires et des techniciens sanitaires apicoles (TSA). Les informations récoltées via les déclarations et les investigations permettent d’alimenter l’OMAA pour une valorisation collective des données (Figure 1).
Figure 1 : Prise en charge d’une déclaration de trouble de santé à l’OMAA
Les acteurs de l’OMAA sur le terrain
Le fonctionnement des 3 OMAA régionaux repose sur le partenariat des agents spécialisés en apiculture des 21 Directions Départementales en charge de la Protection des Populations (DDecPP), des agents de coordination et d’inspection des 3 Services Régionaux de l’Alimentation (SRAL), de 50 vétérinaires des 3 FRGTV et de près de 60 Techniciens Sanitaires Apicoles (TSA) (Figure 2).
Au niveau régional, les SRAL coordonnent l’ensemble du dispositif et les vétérinaires sont impliqués en tant que répartiteurs des guichets et/ou investigateurs. Ils sont pour la majorité détenteurs du diplôme inter école (DIE) « Apiculture - pathologie apicole » et travaillent pour l’OMAA en complément de leur activité libérale pour pouvoir répondre aux urgences identifiées. Dans chacune des régions, des TSA peuvent être associés pour participer aux visites, sous la responsabilité des vétérinaires avec qui ils conventionnent. Même si des spécificités organisationnelles régionales existent, la mise en œuvre du réseau a permis selon les régions de compléter, consolider ou créer des liens entre les différents acteurs impliqués en apiculture (FRGDS/GDS, associations sanitaires apicoles départementales, organisations apicoles, Associations de Développement Apicole (ADA), DDecPP, SRAL, vétérinaires, TSA…).
Figure 2 : Nombre de vétérinaires et de techniciens sanitaires apicoles impliqués dans l’OMAA dans les trois régions pilotes en 2022
Plus de 3000 déclarations depuis le déploiement de l’OMAA
Depuis 2017, plus de 3 000 déclarations à l’OMAA ont été enregistrées dans les trois régions pilotes, avec une moyenne de 634 déclarations annuelles sur les trois dernières années (2019, 2020 et 2021) (Figure 3). Un chiffre qui témoigne de la motivation des déclarants à signaler les troubles observés pour trouver des solutions adaptées.
Figure 3 : Évolution du nombre annuel total de déclarations à l’OMAA dans les trois régions où il est déployé
L’évolution du nombre annuel de déclarations par région est disponible en Figure 4. Le nombre important de déclarations relevé en Bretagne en 2018 (383) est en lien avec un épisode de mortalités hivernales particulièrement marqué. Les apiculteurs concernés ont alors enregistré une déclaration pour chacun de leurs ruchers. Depuis 2020, le nombre de déclarations est plus élevé en région Auvergne-Rhône-Alpes. Cette région compte 12 départements, contre 4 pour la Bretagne et 5 pour les Pays de la Loire. Les chiffres sont aussi à rapporter au nombre de colonies d’abeilles et au nombre d’apiculteurs situés sur les territoires concernés. Ces éléments seront présentés en détails dans un prochain article.
Figure 4 : Évolution du nombre annuel de déclarations à l’OMAA par région entre 2017 et 2021
Les perspectives de l’OMAA à moyen et long termes
Les travaux d’amélioration de l’OMAA se poursuivent. Le suivi technique de son déploiement est assuré par le groupe de suivi OMAA de la Plateforme d’Epidémiosurveillance en Santé Animale (ESA). L’analyse des données effectuée au sein du groupe va conduire à la publication d’articles et de bulletins d’information dans les mois à venir. Ces bilans, à destination des apiculteurs, des organisations sanitaires et apicoles, des pouvoirs publics et des instituts de recherche permettront d’orienter les décisions en termes de politique sanitaire en apiculture, d’identifier de nouvelles pistes de travail et des actions de terrain pour améliorer l’état de santé des colonies d’abeilles. En parallèle, une évaluation du dispositif par la méthode « Oasis » (analyse du fonctionnement et de la qualité d'un dispositif de surveillance épidémiologique) est en cours et conduira à la formulation de recommandations. Le déploiement progressif de l’OMAA est prévu à partir de janvier 2023 dans de nouvelles régions. Il s’agit d’une action forte du Plan national en faveur des pollinisateurs et de la pollinisation.
Témoignages
- Samuel BODET, apiculteur professionnel, président du GDSA85 (Vendée) et technicien sanitaire apicole
J’ai fait appel à l’OMAA après avoir observé des mortalités importantes et des abeilles tremblantes sur une quinzaine de colonies de l’un de mes ruchers. Comme dans les autres filières animales, il m’a paru normal, en tant qu’éleveur, de faire appel à un vétérinaire pour obtenir des réponses. Il s’agit de l’interlocuteur sanitaire principal du monde agricole. J’ai apprécié la rapidité d’intervention sur mon rucher et le professionnalisme, même si le délai d’obtention des résultats d’analyse a été long. J’invite les apiculteurs à déclarer également les événements sanitaires qu’ils rencontrent. C’est en multipliant les retours d’expérience que nous pourrons enrichir la bibliothèque de cas et en tirer des informations intéressantes pour une bonne santé de nos abeilles à l’avenir.
- Ludovic CHENEVAL, vétérinaire investigateur de l’OMAA, vétérinaire-conseil au GDSA74 (Haute-Savoie) et apiculteur de loisir
L’OMAA est un outil extrêmement précieux pour les apiculteurs et encore trop peu connu. Lorsqu’une investigation est planifiée sur un rucher, le recueil des informations est très détaillé afin d’apporter une explication précise au problème rencontré. La vitesse d’intervention est également appréciée. Il est important de réagir vite en cas de trouble sanitaire et le déplacement d’un investigateur est en général très rapide. Du point de vue du vétérinaire, il est rassurant de se sentir soutenu par le réseau de l’OMAA : des analyses toxicologiques ou biologiques peuvent être prises en charge, d’autres vétérinaires sont disponibles pour apporter un appui sur les cas complexes. Cette collaboration scientifique permet de progresser et d’apporter rapidement la meilleure réponse possible à l’apiculteur.
- Manuel PETIT, adjoint au chef du service « Santé et protection des animaux et des végétaux » à la DDPP du Finistère (29)
Le Finistère a participé à l’enquête européenne EPILOBEE entre 2012 et 2014. Celle-ci a montré que 40% des ruchers étaient touchés par la loque américaine, et qu’un suivi sanitaire régulier par des personnes spécialisées permettait d’assainir les ruchers touchés. Pour autant, l’administration seule n’était pas en mesure de gérer correctement les foyers découverts. Au-delà du recueil de données sanitaires, l’OMAA a permis de ré-investir le sanitaire apicole en faisant intervenir des personnes spécialisées (vétérinaires, TSA). Selon les constats réalisés (foyer de loque américaine, mortalité aigüe, autres troubles), et les explications fournies, les apiculteurs ont pu monter en compétence et prendre conscience de la nécessité d’un suivi sanitaire régulier pour une meilleure santé de leurs abeilles.
- Cédric SOURDEAU, référent national pollinisateurs et pollinisation, DGAl/MASA
L’Etat met en œuvre, depuis le début des années 2000, un dispositif de surveillance des troubles de santé des abeilles domestiques en lien avec l’exposition aux dangers chimiques. Cette surveillance s’attache aujourd’hui à investiguer les mortalités massives et aiguës d’abeilles adultes avec examen clinique approfondi des colonies et mise en œuvre d’enquêtes environnementales. Si des travaux sont actuellement engagés pour faire évoluer ce dispositif, la voie « Autres troubles » de l’OMAA vient d’ores et déjà le compléter pour certains syndromes par la réalisation d’analyses toxicologiques sur matrices apicoles. L’observatoire permet aussi, via son guichet unique, de positionner dès le stade de la déclaration un interlocuteur formé en apiculture pathologie-apicole pour répondre aux besoins des apiculteurs et de diligenter plus rapidement les investigations dans les ruchers en fonction de l’urgence identifiée notamment en cas de suspicion d’intoxication.
Notes
Contacts de l’OMAA dans votre région : Auvergne-Rhône-Alpes : 04 13 33 08 08 – Bretagne : 02 44 84 68 84 – Pays de la Loire : 02 41 69 80 69.
Abréviations : Anses : Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, CNOPSAV : Conseil national d’orientation de la politique sanitaire animale et végétale, DGAl : Direction générale de l’alimentation, INRAE : Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement, FRGDS : Fédération régionale des groupements de défense sanitaire, MASA : Ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Remerciements
Nous remercions les apiculteurs déclarants, les acteurs et les partenaires de l’OMAA.