Peste des petits ruminants : déclaration de deux foyers dans le Nord du Maroc
Pour la Plateforme ESA (par ordre alphabétique) : Sophie Carles (Inrae), Julien Cauchard (Anses), Céline Dupuy (Anses), Yves Lambert (DGAL), Renaud Lancelot (Cirad), Alizé Mercier (Cirad)
Autres auteurs : Adama Diallo (Cirad)
Auteur correspondant : alize.mercier@cirad.fr
La présence du virus de la peste des petits ruminants (PPR) a été détectée le 21/01/2020 et confirmée le 06/02/2020 au sein d’un élevage caprin de la région de Tanger à l’extrême nord du pays (Figure 1) (source : rapport OIE du 07/02/2020). Il s’agit d’un élevage de 140 chèvres dont 92 ont présenté des signes cliniques et 68 sont mortes (taux de morbidité de 66 % et taux de mortalité de 49 %). Avant ce foyer, la dernière déclaration de PPR au Maroc remontait au 03/09/2015 (source : OIE au 30/10/2015).
Un deuxième foyer de PPR a été détecté le 03/02/2020 et déclaré le 17/02/2020 au sein d’un élevage de la région de Tanger, à proximité du premier foyer déclaré le 07/02/2020 (Figure 1) (source : OIE au 17/02/2020). Il s’agit d’un élevage mixte de 35 caprins et deux ovins, parmi lesquels dix caprins ont présenté des signes cliniques et cinq sont morts (taux de morbidité de 29 % et taux de mortalité de 14 %).
Ces foyers concernent des caprins dont la population est minoritaire par rapport à la population ovine (source : rapport FAO). D’un point de vue épidémiologique, les caprins sont particulièrement sensibles à la maladie (source : OIE).
Figure 1. Déclaration de foyers de PPR au sein d’élevages de la région de Tanger les 07/02 et 17/02/2020 (source : OIE au 17/02/2020).
La population caprine marocaine est très minoritaire par rapport à celle des ovins (source : rapport FAO, Ettair 2012). Cependant, ces caprins sont très sensibles à la PPR (source : OIE, Hammouchi et al. 2012)). De plus, les élevages concernés semblent être de petits élevages familiaux (région de Rif) et non des centres d’embouche qui concentrent les risques infectieux (Yassir et al. 2019).
La PPR est apparue pour la première fois au Maroc en 2008. A la suite de cette épidémie, le pays a réalisé des campagnes de vaccination de masse de tout le cheptel de petits ruminants pendant trois ans, avec disparition des signes cliniques de PPR dès la première année. Après l’arrêt des campagnes, les mesures de surveillance ont été maintenues, ce qui a permis de détecter rapidement un foyer de PPR en juin 2015.
L’analyse phylogénétique du virus isolé en 2015 a montré qu’il était différent de la souche responsable de l’épidémie de 2008 mais très proche des virus identifiés lors des épidémies de 2012 en Tunisie et en Algérie, indiquant la source probable de ce virus. Il serait utile de disposer des données phylogénétiques du virus responsable des deux récents foyers de PPR au Maroc pour savoir s’il s’agit d’une résurgence des épisodes précédents ou d’une nouvelle introduction, tous les pays ayant une frontière terrestre avec le Maroc étant infectés.
Depuis 2009, le Maroc a mis en place comme mesure de contrôle une vaccination annuelle avec un vaccin vivant atténué (source : alerte ProMED du 10/02/2020). Pour 2020, une campagne de vaccination contre la PPR et la clavelée avait été mise en place le 17/01/2020 (source : rapport OIE du 07/02/2020). Au 16/02/2020, un total de 8,7 millions d’ovins et caprins avaient été vaccinés contre la PPR, soit environ 1/3 de la population totale (source : rapport OIE du 17/02/2020). Cette campagne de vaccination se poursuit à l’échelle du pays.
Le Maroc est le seul pays du Maghreb à viser l’éradication de la PPR et à consacrer des moyens substantiels à cet égard. De plus, la vaccination reste très partielle en Afrique sahélienne alors que la population de petits ruminants s’élève à plusieurs centaines de millions de têtes. Compte tenu des flux commerciaux entre l’Afrique sahélienne et l’Afrique du Nord (Tchad vers Libye, Soudan vers l’Egypte d’une part, et vers la péninsule arabe d’autre part), les risques d’introduction virale sont très élevés. Les virus introduits dans la péninsule arabe peuvent se retrouver en Turquie puis en Europe comme ce fut le cas naguère avec la PPR en Bulgarie (OIE, 2018), ou la dermatose nodulaire contagieuse dans les Balkans (Mercier et al. 2018).
Références :
Ettair, M., 2012. Stratégie de surveillance et de lutte contre la PPR au Maroc. REMESA: atelier conjoint REPIVET-RESEPSA des, 12, pp.1-15.
Hammouchi, M., Loutfi, C., Sebbar, G., Touil, N., Chaffai, N., Batten, C., Harif, B., Oura, C. and El Harrak, M., 2012. Experimental infection of alpine goats with a
Moroccan strain of peste des petits ruminants virus (PPRV). Veterinary microbiology, 160(1-2), pp.240-244.
Mercier, A., Arsevska, E., Bournez, L., Bronner, A., Calavas, D., Cauchard, J., Falala, S., Caufour, P., Tisseuil, C., Lefrançois, T. and Lancelot, R., 2018. Spread rate of lumpy skin disease in the Balkans, 2015–2016. Transboundary and Emerging Diseases, 65(1), pp.240-243.
Yassir, L., Mounir, K., Coste, C., Lancelot, R. and Mohammed, B. 2019. Ovine network between fatteners and breeders in middle atlas of Morocco: Where to act to prevent the spread of epidemics? Epidemiol Open J., 4(1): 21-30.