Epidémiosurveillance en santé animale

Premier cas d'influenza aviaire HP H5N8 en France

Marie-Cécile Moisson (1), Isabelle Guerry (1), Anne Van de Wiele (2), Eric Niqueux (3), Audrey Schmitz (3), François-Xavier Briand (3), Claire Martenot (3), Sophie Le Bouquin (4), Axelle Scoizec (4), Eva Faure (5), Célia Malhère (1), Anne Bronner (1)

(1)DGAl, (2)ONCFS – USF, (3)Anses-Ploufragan, LNR, (4) Anses-Ploufragan, EBEAC, (5) FNC
 

Le ministère de l’Agriculture a annoncé officiellement le 28 novembre 2016 la confirmation d’un foyer d’influenza aviaire hautement pathogène (IAHP) H5N8 sur des appelants (voir le communiqué de presse). Les canards appelants utilisés pour la chasse au gibier d'eau ne sont pas considérés comme des volailles au sens du code de l'OIE ; le foyer a donc été notifié comme affectant des oiseaux sauvages.

Suite à une déclaration de mortalité de 25 canards parmi 75 détenus au total (taux de mortalité de 33%), dans le département du Pas-de-Calais (commune de Marck, en zone à risque IAHP élevé), des prélèvements ont été réalisés dans le cadre du réseau Sagir.

Les premières analyses moléculaires (menées par le laboratoire Inovalys à Nantes) le 25 novembre ont conduit à la détection du gène H5. La mise en évidence de la séquence H5 par le laboratoire national de référence (LNR IA, Anses, Laboratoire de Ploufragan-Plouzané) le 26 novembre a révélé le caractère hautement pathogène du virus. Les séquences partielles des gènes H5 et N8 du virus détecté présentent de 99% à 100% d’identité avec celles des virus H5N8 détectés récemment en Europe. La séquence du génome complet est en cours d'obtention et permettra une étude plus approfondie. D'après l'avis Anses 2016-SA-0240 , « un premier génome complet a été séquencé sur une souche isolée en Pologne : les segments H5, N8 et NS correspondent à des séquences déjà décrites chez des souches asiatiques de 2014. Les comparaisons de séquences pour les autres segments (PB2, PB1, PA, NP et M) suggèrent que la souche isolée en Pologne serait le résultat d’événements de réassortiments, ce qui montre que cette souche est différente de celles ayant circulé en Europe en 2014-2015. Les analyses montrent également que ce virus est adapté aux oiseaux/volailles et ne présente pas les marqueurs essentiels de pathogénicité pour l’homme. Il ne présente aucune des mutations majeures d'adaptation aux mammifères. La sensibilité aux antiviraux a été étudiée par le LRUE et montre que le virus est sensible. ».

Les appelants, qui appartiennent aux espèces Anas strepera (Canard chipeau) et Anas penelope (Canard siffleur), étaient détenus sur le plan d'eau d'une réserve naturelle privée. Ils ont été abattus ainsi que les 35 appelants d’un autre site situé à 4km de Boulogne-sur-Mer, mis sous APMS, qui avaient été en contact avant l'interdiction réglementaire des déplacements d'oiseaux. Par ailleurs, la surveillance a été renforcée dans l'ensemble des communes limitrophes aux deux sites, avec la réalisation de visites vétérinaires dans les élevages avicoles (inspection clinique des volailles, vérification de l'application des mesures de confinement et de biosécurité), et en rappelant la nécessité de déclarer toute mortalité anormale et/ou l'apparition de symptômes évocateurs de l'IA. A ce jour, quatre élevages (détenant des poules pondeuses, des poules reproductrices, des volailles de chair) ont été recensés autour du premier site et deux élevages autour du second site (détenant des poules pondeuses, des palmipèdes prêts à gaver et en gavage et des volailles de chair).

Au vu des informations transmises par les Etats membres, le taux de mortalité en élevage de palmipèdes varie fortement, entre 0,1 % et 33 %. Six des onze élevages commerciaux déclarés infectés à ce jour et détenant des canards ou des oies ont présenté un taux de mortalité inférieur à 2 % (tous situés en Hongrie). Le pouvoir pathogène de cette souche vis à vis des palmipèdes n'a pas été évalué à ce stade, et aucune information ne permet d'indiquer que les palmipèdes sont particulièrement sensibles au virus par rapport aux autres espèces d'oiseaux. Il ne peut par ailleurs être exclu que l'expression clinique forte sur certains palmipèdes domestiques ou sauvages ne soit pas corrélée à une coinfection avec d'autres agents pathogènes. C'est l'une des conclusions de l'étude menée sur le cas de H5N8 déclaré dans un élevage de canards reproducteurs au Royaume-Uni au cours de l'hiver 2014-2015 (Nunez et al., 2016)1.

La migration actuelle de certaines espèces d'oiseaux joue très certainement un rôle majeur dans la diffusion du virus.

A ce jour, douze pays ont déclarés des cas d'IA H5N8 depuis fin octobre. Six de ces pays ont déclaré des cas à la fois dans l'avifaune et dans des élevages domestiques, cinq ont déclarés des cas dans l'avifaune uniquement (dont la France), et un dans des élevages domestiques uniquement (voir le point de situation VSI sur la circulation de H5N8 en Europe).

La détection de nombreux cas d'IAHP H5N8 en Europe (majoritairement dans l'avifaune) depuis la fin du mois d'octobre 2016 a conduit à renforcer la surveillance événementielle dans la faune sauvage au niveau national, en s’appuyant sur le réseau Sagir : tout cas de mortalité d'un ou plusieurs oiseaux d'eau (espèces suivantes : cygnes, canards, oies (anatidés), mouettes, goélands (laridés), poules d'eau, foulques, râles (rallidés) doit faire l'objet d'un signalement au réseau Sagir, à des fins de prélèvements pour recherche du virus de l'influenza aviaire.

 

1Nunez et al., Highly Pathogenic Avian Influenza H5N8 Clade 2.3.4.4 Virus: Equivocal Pathogenicity and Implications for Surveillance Following Natural Infection in Breeder Ducks in the United Kingdom, Transboundary and Emerging Diseases 63 (2016) 5–9.

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