Epidémiosurveillance en santé animale

Un virus influenza porcin multi-réassortant identifié en Chine depuis 2013 pourrait-il avoir la capacité à se propager chez l’Homme ?

Un virus influenza porcin multi-réassortant identifié en Chine depuis 2013 pourrait-il avoir la capacité à se propager chez l’Homme ?

  • La diversité génétique des virus influenza porcins n’a cessé de croitre depuis la pandémie (pdm) de 2009 en raison des évènements de réassortiments (échanges de segments génomiques) qui ont lieu à la faveur de co-infections par des virus influenza porcins et le virus H1N1pdm (encadré 1).
  • Un virus influenza porcin H1N1 multi-réassortant, contenant certains gènes du virus H1N1pdm, a diffusé dans la population porcine en Chine au cours des dernières années.
  • Ce virus influenza porcin, dénommé « G4 reassortant EA H1N1 », peut infecter le furet et se transmettre entre furets, ce qui suggère une capacité de transmission inter-humaine en cas de passage à l’Homme (le furet étant un modèle animal pour l’étude de la grippe humaine).
  • Des analyses sérologiques indiquent que les travailleurs du secteur porcin auraient plus de risque d’être infectés par le virus « G4 reassortant EA H1N1 » que les individus de la population générale.
  • A ce jour, seuls deux cas avérés d’infection humaine par ce virus « G4 reassortant EA H1N1 » ont été rapportés en Chine. Aucune transmission inter-humaine n’a été documentée autour de ces cas.
  • L’identification de virus influenza porcins présentant des caractéristiques potentiellement favorables à une diffusion virale à large échelle chez l’Homme permet d’évaluer la nécessité (ou non) de sélectionner de nouveaux antigènes candidats vaccins en amont d’une possible pandémie (encadré 2).
  • La surveillance des virus influenza chez le porc s’est renforcée depuis 2009. En France, un réseau national de surveillance, Résavip, a été mis en place en 2011. Le virus « G4 reassortant EA H1N1 » n’a pas été identifié en France (encadré 3).

Gaëlle Simon1, Amélie Chastagner1, Séverine Hervé1, Vincent Enouf2, Sylvie van der Werf2, Laure Dommergues3, Céline Dupuy4, Nicolas Rose5

Auteur correspondant : gaelle.simon@anses.fr
 

  1. Anses, Laboratoire de Ploufragan-Plouzané-Niort, Unité Virologie Immunologie Porcines, Laboratoire National de Référence Influenza Porcin, Ploufragan, France
  2. Institut Pasteur, Centre National de Référence des Virus Respiratoires, Paris, France
  3. La Coopération Agricole, Plateforme Epidémiosurveillance Santé Animale, Paris, France
  4. Anses, Laboratoire de Lyon, Unité Epidémiologie et Appui à la Surveillance, Plateforme Epidémiosurveillance Santé Animale, Lyon, France
  5. Anses, Laboratoire de Ploufragan-Plouzané-Niort, Unité Epidémiologie Santé et Bien-Etre, Ploufragan, France

La revue scientifique PNAS (Proceedings of the National Academy of Sciences) a publié le 29 juin 2020 les résultats d’une étude menée par Sun et collaborateurs quant à l’identification et la caractérisation d’un nouveau génotype de virus influenza porcin (swIAV) de sous-type H1N1 en Chine (Sun et al., 2020) (ici). Tous les swIAV ont un potentiel zoonotique, mais ce nouveau virus pourrait en outre avoir la capacité à se propager chez l’Homme. Cette étude, qui rappelle le risque pandémique associé aux virus influenza porcins, a été relayée dans la presse grand public dès sa publication, suscitant de nombreuses interrogations en cette période de pandémie à virus SARS-CoV-2.

Un virus influenza porcin d’un génotype identifié pour la première fois en 2013 a diffusé dans la population porcine en Chine

L’étude a porté sur 179 souches de virus influenza porcin détectées en Chine entre 2011 et 2018. Parmi elles, 136 ont été isolées (sur culture cellulaire et œufs embryonnés) à partir de 29918 écouvillonnages nasaux réalisés sur animaux à l’abattoir (donc a priori asymptomatiques), et 43 à partir de 1016 écouvillonnages nasaux ou échantillons de poumons prélevés en élevage sur des animaux présentant un syndrome respiratoire. Parmi ces 179 souches, 165 (92%) ont d’abord été identifiées comme appartenant au lignage porcin « EA H1N1 » suite au séquençage des gènes HA (gènes H1 appartenant au clade 1C.2.3) et NA. Parmi elles, un échantillon de 77 souches a été sélectionné (tenant compte de la date d’isolement et de la localisation géographique) pour séquençage de la totalité du génome. Les analyses phylogénétiques ont permis de distinguer six génotypes, dans des proportions très variables. L’un des génotypes, identifié pour la première fois en 2013 et dénommé « G4 reassortant EA H1N1 » a vu sa fréquence augmenter à partir de 2016, jusqu’à représenter l’unique génotype identifié en 2018 (10 souches séquencées). Les gènes de ce virus sont issus de trois lignages génétiques : le lignage porcin « EA H1N1 » pour les gènes codant les glycoprotéines de surface (HA et NA, principaux antigènes viraux), le lignage « H1N1pdm » pour les gènes codant les constituants de la polymérase virale (PB2, PB1, PA), la nucléoprotéine (NP) et la protéine de matrice (M), et enfin le lignage porcin « TR » pour le gène codant la protéine non structurale (NS).
           
Il peut exister une certaine proximité antigénique entre les diverses HA de sous-type H1. Les relations antigéniques sont évaluées via la mesure des niveaux de réactions antigènes-anticorps dans des tests d’inhibition de l’hémagglutination (IHA) confrontant souches virales et anti-sérums. Sur le plan antigénique, les souches « G4 reassortant EA H1N1 » apparaissent plus distantes du virus H1N1pdm que les virus « EA H1N1 » parentaux. Ainsi, les auteurs indiquent que les souches « G4 reassortant EA H1N1 » forment un cluster antigénique particulier au sein du lignage « EA H1N1 ». L’éloignement des souches « G4 reassortant EA H1N1 » du virus H1N1pdm (comparativement aux virus « EA H1N1 » parentaux) pourrait résulter de mutations relevées dans des sites antigéniques et ayant probablement été fixées dans le génome viral après le réassortiment génétique.

D’après Sun et coll., le génotype « G4 reassortant EA H1N1 » est devenu prédominant chez le porc en Chine, la constellation de gènes étant sans doute avantageuse pour le virus. On relèvera toutefois que cette étude n'a porté que sur un nombre très restreint de souches virales au regard de la taille de la population porcine dans le pays. L’analyse d’un plus grand nombre de souches récentes permettrait de confirmer si ce génotype se maintient et dans quelle proportion.  Les auteurs indiquent également que le nombre de cas d’infections par des swIAV chez des porcs présentant un syndrome respiratoire a augmenté entre 2011 et 2018. Ils émettent l’hypothèse que l’augmentation des cas d’infections grippales serait liée à l’émergence du génotype « G4 reassortant EA H1N1 », qui pourrait donc constituer un problème grandissant dans les élevages. Des études de pathogénicité et de transmission chez le porc seraient nécessaires pour étayer cette hypothèse. 

Le génotype « G4 reassortant EA H1N1 » pourrait présenter un risque zoonotique accru comparativement au génotype « EA H1N1 »

Sun et coll. ont montré que les souches « G4 reassortant EA H1N1 » ont une plus grande affinité pour les récepteurs de type SA-a2-6Gal (généralement préférés par les virus de mammifères) que pour ceux de type SA-a2-3Gal (généralement préférés par les virus aviaires), tout comme le virus porcin « EA H1N1 » parental et le virus H1N1pdm. Les récepteurs SA-a2-6Gal sont prédominants à la surface des épithéliums respiratoires supérieurs du porc et de l’Homme. Les auteurs ont également montré que les souches « G4 reassortant EA H1N1 » se multiplient dans des cultures de cellules cibles humaines, tout aussi efficacement que le virus H1N1pdm et beaucoup mieux que les souches « EA H1N1 ». Chez le furet, modèle animal classiquement utilisé pour l’étude de la pathogénicité et de la transmission des virus influenza humains, les quatre souches « G4 EA H1N1 » sélectionnées par les auteurs et inoculées par voie nasale (3 furets par souche ; 106 TCID50/furet sous 1 mL) ont provoqué des signes cliniques (hyperthermie, éternuements, sifflements, toux et perte de poids) et des lésions pulmonaires beaucoup plus marqués que la souche H1N1pdm et les deux souches « EA H1N1 » étudiées. Elles se sont multipliées très efficacement dans le tractus respiratoire supérieur des furets et tous les animaux placés au contact direct des animaux inoculés ont été infectés, démontrant le caractère infectieux des animaux inoculés. Les animaux en contact direct ont développé des signes cliniques, multiplié et excrété le virus (dès le troisième jour après la mise en contact) et séroconverti. De la même manière, 10/12 animaux placés à distance des animaux inoculés (contact indirect) ont été infectés, ce qui indique que le virus s’est propagé via les aérosols. Comparativement, le virus H1N1pdm a également été transmis aux animaux contact (direct et indirect) mais pas les virus « EA H1N1 ».
            L’ensemble des résultats des analyses menées in vitro sur cellules humaines et in vivo chez le furet suggère que le virus porcin « G4 reassortant EA H1N1 » pourrait être plus pathogène pour l’Homme que le virus H1N1pdm (et a fortiori que le virus porcin « EA H1N1 ») et surtout qu’il pourrait avoir la capacité de se transmettre d’humain à humain, comme le virus H1N1pdm mais à la différence du virus « EA H1N1 » parental.

Le virus « G4 reassortant EA H1N1 » pouvant se transmettre entre furets et étant plus éloigné du virus H1N1pdm sur le plan antigénique que le virus « EA H1N1 », les auteurs ont évalué sa réaction avec des anticorps développés chez des individus vaccinés contre la grippe humaine saisonnière. Les tests IHA montrent une faible réaction croisée entre les souches « G4 reassortant EA H1N1 » et les sérums des sujets vaccinés, de même niveau que celle des souches « EA H1N1 ». Une évaluation de la capacité des anticorps post-vaccinaux à neutraliser la multiplication du virus en culture cellulaire aurait permis de conforter ces résultats.
           
Enfin, les auteurs ont cherché à savoir si des travailleurs du secteur porcin auraient été infectés par le virus « G4 reassortant EA H1N1 ». Pour cela, ils ont mené une enquête sérologique rétrospective, d’une part sur 338 sérums prélevés entre 2016 et 2018 chez des travailleurs de 15 élevages, d’autre part sur 230 sérums prélevés dans la population générale. Ces sérums ont été confrontés à des antigènes représentatifs des lignages « H1N1pdm », « G4 reassortant EA H1N1 » et « EA H1N1 ».  Il n’est pas précisé si ces sérums ont été prélevés chez des sujets vaccinés ou non contre la grippe saisonnière, et/ou chez des sujets ayant développé un syndrome grippal dans les mois ayant précédé la prise de sang. Les auteurs rapportent que 35/338 et 10/230 sérums présentaient des titres IHA non nuls vis-à-vis du virus « G4 reassortant EA H1N1 », tandis que 22/338 et 5/230 étaient positifs vis-à-vis du virus « EA H1N1 ». Les auteurs ont comparé les proportions de sérums trouvés positifs vis-à-vis des trois virus dans les deux populations, mais les titres obtenus respectivement dans les différentes valences antigéniques testées ne sont pas analysés au niveau individuel afin d’estimer la part de réactions croisées entre les différentes H1. Les séroprévalences annoncées vis-à-vis du génotype « G4 reassortant EA H1N1 », 10,4% dans la population de travailleurs du secteur porcin et 4,4% dans la population générale, sont donc vraisemblablement surestimées. Néanmoins, dans une analyse multivariée avec ajustement sur le sexe, l’âge et l’année de prélèvement, les auteurs prennent en compte le facteur de confusion lié aux possibles réactions croisées avec le virus H1N1pdm et estiment que les personnes travaillant au contact des porcs ont 2,25 fois plus de risque relatif (intervalle de confiance à 95 % [1,05-4,83], P=0,038) d’être infectées par ce virus que la population générale. Parmi elles, les personnes jeunes (18-35 ans) auraient 3,2 fois plus de risque (intervalle de confiance à 95 % [1,3-7,7], P<0.1) d’être infectées que les sujets plus âgés. Inversement, il n’a pas été trouvé que les travailleurs du secteur porcin avaient plus de risque d’être infectés par le virus H1N1pdm ou le virus « EA H1N1 » que la population générale.
L’absence d’immunité vis-à-vis de ces virus porcins dans la population générale peut difficilement être affirmée sur la seule base des résultats de cette étude. L’immunité croisée éventuelle avec des virus H1N1 humains saisonniers ayant circulé avant 2009 n’a pas été évaluée. Egalement, une immunité pré-existante à médiation cellulaire pourrait conférer un certain niveau de protection croisée, ce qui n’a pas été étudié.
 

Le génotype « G4 reassortant EA H1N1 » pourrait-il présenter des caractéristiques augmentant le risque de diffusion pandémique ?

A ce jour, seuls deux cas d’infections humaines par des virus de ce génotype « G4 reassortant EA H1N1 » ont été rapportés en Chine, l’un en 2016 (un adulte de 46 ans), l’autre en 2018 (un enfant de 9 ans) (Li et al., 2019; Xie et al., 2018). Dans les deux cas, les patients vivaient à proximité d’élevages de porcs et ont développé une grippe sévère. Aucune transmission inter-humaine n’a été documentée autour de ces cas. Cependant, des infections asymptomatiques ou non identifiées pourraient avoir eu lieu, comme suggéré par l’enquête de séroprévalence initiée par Sun et coll., et déjà rapportées pour des virus influenza porcins (Fragaszy et al., 2016; Munoz et al., 2015).
L’augmentation de la prévalence de ce virus dans les élevages de porc en Chine peut conduire à une augmentation du risque de passage à l’Homme. Mais à ce jour le virus « G4 reassortant EA H1N1 » n’a pas été décrit ailleurs qu’en Chine. Egalement, le fait que ce virus ait la capacité à se transmettre entre furets en conditions expérimentales alerte sur le risque qu’il puisse acquérir un potentiel de transmission inter-humaine efficace après passage et adaptation chez l’Homme. Le fait qu’il continue de s’éloigner du virus H1N1pdm en circulation chez l’Homme sur le plan antigénique serait un atout supplémentaire pour sa propagation dans une population humaine qui ne présenterait pas d’immunité préexistante suffisamment efficace.
Cependant, sans même présumer de sa pathogénicité chez l’Homme, la route est longue avant qu’une infection virale n’acquière un caractère pandémique, et de multiples facteurs, pour beaucoup encore inconnus, entrent en jeu (Mostafa et al., 2018).

De nombreux autres virus influenza porcins réassortants comportant un ou plusieurs gènes du virus H1N1pdm ont déjà été identifiés dans de nombreux pays du monde depuis la pandémie de 2009, y compris en France (Chastagner et al., 2019a; Watson et al., 2015). Certains d’entre-eux ont été responsables d’infections humaines et ont fait l’objet de signalements auprès des organisations internationales de la santé humaine et de la santé animale (Bowman et al., 2017; OFFLU, 2020; WHO, 2018) (encadrés 1, 2, 3).

L’étude de Sun et coll. permet de rappeler qu’il est impératif de limiter autant que possible la transmission des virus grippaux entre les espèces humaine et porcine, par des mesures de prévention de la grippe et des mesures de biosécurité adaptées en élevages de porc, voire à l’abattoir. Comme encouragé depuis la pandémie de 2009, il convient de poursuivre la surveillance des swIAV dans toutes les régions du monde afin de suivre leur évolution. L’identification de virus influenza porcins présentant un certain nombre de caractéristiques potentiellement favorables à une diffusion à grande échelle chez l’Homme permet, dans une approche « One Health », d’évaluer la nécessité, ou non, de sélectionner de nouveaux antigènes candidats vaccins en amont d’une possible pandémie.

 

Encadré 1 : De nombreux génotypes de virus influenza porcins

Des virus influenza porcins de trois sous-types (H1N1, H1N2 et H3N2) sont responsables de la grippe chez le porc, mais on distingue de nombreux lignages génétiques au sein de ces sous-types, en fonction de l’origine de chacun des huit segments d’acides nucléiques qui constituent le génome viral. En effet, lorsqu’un porc est infecté par plusieurs virus influenza simultanément, ceux-ci peuvent échanger leurs segments génomiques (gènes) via un processus nommé « réassortiment », ce qui conduit à l’émergence de nouveaux génotypes viraux. Le porc pouvant également être infecté par des virus influenza humains et des virus influenza aviaires, les virus porcins peuvent aussi acquérir des gènes issus de virus de ces deux espèces. Les réassortiments successifs au cours du temps conduisent à augmenter la diversité génétique des virus influenza porcins. Celle-ci n’a cessé de croître depuis la pandémie de 2009, après que le virus H1N1 humain responsable de cette pandémie (H1N1pdm ou lignage pdm/09, lui-même d’origine porcine) et devenu saisonnier, a diffusé dans la population porcine (Chastagner et al., 2018). Ainsi, de nombreux virus influenza porcins réassortants, comportant un ou plusieurs gènes du virus H1N1pdm, ont été identifiés dans le monde depuis 2010 (Watson et al., 2015). Beaucoup n’ont été détectés que sporadiquement, mais quelques-uns ont pu s’adapter au porc et se transmettre au sein de cette espèce dans certains pays (Everett et al., 2020). A noter que les réassortiments qui concernent les antigènes majeurs HA et NA, ainsi que les mutations qui peuvent se fixer dans ces gènes au cours du processus d’évolution virale conduisent également à une augmentation de la diversité antigénique des swIAVs. 

 

Encadré 2 : Des virus influenza porcins à potentiel zoonotique, voire pandémique

Les virus influenza porcins sont des agents à potentiel zoonotique (ils peuvent infecter l’Homme). Cependant, leur capacité de franchissement de la barrière d’espèce, leur aptitude à se multiplier efficacement chez l’Homme puis à se transmettre d’Homme à Homme, dépendent de nombreux facteurs encore largement inconnus mais varient en fonction du génotype. Le virus H1N1pdm responsable de la pandémie de 2009 présente lui-même une constellation inédite de gènes issus de plusieurs lignages de virus influenza porcins mais n’avait jamais été détecté chez le porc avant d’être identifié chez l’Homme (Simon, 2010). Ce virus humain d’origine porcine se transmet a priori assez facilement de l’Homme au porc et vice-et-versa (Chastagner et al., 2019b). L’introduction de certains de ses gènes dans un swIAV pourrait donc conférer à celui-ci une capacité accrue de transmission à l’Homme, voire de transmission inter-humaine. Il convient donc de surveiller les swIAVs, afin de suivre leur évolution (génétique et antigénique) et d’évaluer leur potentiel de transmission à l’Homme. Certains swAIVs, notamment ceux qui sont distants sur le plan antigénique des virus influenza humains en circulation, peuvent en outre présenter un risque pandémique s’ils acquièrent la capacité de transmission inter-humaine, leur propagation chez l’Homme n’étant alors pas ralentie par une immunité de population pré-existante.

 

Encadré 3 : La surveillance des virus influenza porcins en France et les génotypes détectés

En France, suite à la pandémie de 2009, les pouvoirs publics et les professionnels de la filière porcine se sont accordés pour bâtir un réseau national de surveillance des virus influenza A responsables de cas de grippe chez le porc, dénommé Résavip. Les objectifs de Résavip, son organisation et ses principaux résultats sont présentés sur le site de la plateforme ESA (/fr/virus-influenza-dorigine-porcine). Depuis le début de son activité en 2011, Résavip a permis d’augmenter considérablement le nombre annuel d’identifications virales et de progresser dans la connaissance des éléments épidémiologiques liés aux infections grippales en élevage porcin (Hervé et al., 2019).

A la suite des analyses de détection et de sous-typage moléculaire réalisées dans le cadre de Résavip, le Laboratoire National de Référence Influenza Porcin, Unité Virologie Immunologie Porcines, Anses-Ploufragan, met en œuvre des analyses approfondies et des travaux de recherche sur une sélection de souches virales, afin de suivre l’évolution génétique et antigénique de ces virus en France, et de caractériser les propriétés des nouveaux génotypes.
Comme dans de nombreux pays, la diversité génétique s’est accrue en France au cours des dix dernières années, puisqu’on dénombre aujourd’hui l’identification (régulière ou ponctuelle) de quinze génotypes, contre cinq en 2009. Des virus réassortants comportant un ou plusieurs gènes du virus H1N1pdm ont été détectés pour la première fois en 2016 (Chastagner et al., 2019a). Cependant, les virus du lignage « EA H1N1 » n’ont cessé d’être les swIAV les plus représentés depuis leur introduction sur le territoire dans les années 1980. La majorité des souches « EA H1N1 » françaises actuelles portent une HA de clade 1C.2.1, mais récemment des virus H1N2 réassortants portant une HA de clade 1C.2 ont également été détectés. Certaines de ces souches portent en outre six gènes issus du virus H1N1pdm (Hervé et al., 2020). Des souches de lignage « EA H1N1 » portant une HA de clade 1C.2.3 (comme la HA du génotype « G4 reassortant EA H1N1 » décrit par Sun et coll.) n’ont plus été détectées en France depuis 2004, bien avant l’introduction du virus H1N1pdm dans la population porcine.

Dans une approche « une seule santé », les échanges entre les acteurs de la surveillance de la grippe chez le porc et ceux de la grippe chez l’Homme permettent de comparer les virus identifiés dans les deux espèces, afin de mieux comprendre et appréhender les transmissions virales inter-espèces. Ensemble, ils ont ainsi pu illustrer un cas de transmission bi-directionnelle du virus H1N1pdm entre l’Homme et le porc dans un élevage français (Chastagner et al., 2019b), et à cette occasion ré-alerter sur la nécessité de poursuivre les efforts pour limiter ces occasions de transmissions inter-espèces. Cet épisode isolé nous rappelle l’importance de l’application des gestes barrières pour les éleveurs de porcs en particulier durant la période de la grippe saisonnière et souligne l’intérêt de l’approche « One health » dans la surveillance des virus grippaux.

Références bibliographiques

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