Un cas de morve confirmé en Allemagne
Karine LAROUCAU (1), Claire PONSART (1), Nora MADANI (1), Marie GRANDCOLLOT-CHABOT (2), Stéphan ZIENTARA (3)
(1) Anses, Laboratoire de Santé animale, Unité Zoonoses Bactériennes, Maisons-Alfort, France ; (2) Direction générale de l’alimentation, Bureau de la santé animale, Paris, France ; (3) UMR 1161 Anses-INRA-ENVA Virologie, Maisons-Alfort, France
Dans le cadre d’analyses de routine pour une exportation, un cheval d’un établissement de Basse Saxe a été diagnostiqué positif pour la morve des équidés suite au test de fixation du complément réalisé sur un sérum datant du 26 novembre 2014. Ce résultat a été confirmé par le laboratoire de référence OIE localisé à Iéna, en Allemagne.
L’animal, qui ne présentait pas de signes cliniques, a été euthanasié le 13 décembre 2014. Les organes mis en culture se sont tous révélés négatifs. L’analyse par immunohistochimie de prélèvements de peau a donné des résultats douteux, tandis que l’analyse par PCR de ces mêmes échantillons a confirmé la présence de l’agent de la morve, Burkholderia mallei.
Ce cas a fait l’objet d’une notification à l’OIE le 30 janvier 2015.
Cet établissement hébergeait 30 autres chevaux, tous cliniquement sains, qui ont été testés séronégatifs à 3 reprises, à 2 semaines d’intervalle. Suite à ces résultats, les mesures de restriction concernant cet établissement ont été levées le 27 janvier 2015.
Le cheval euthanasié, né en Allemagne, n’était jamais sorti du territoire. L’origine de l’infection est toujours inconnue. Un contact indirect par l’intermédiaire de personnes, de chevaux ou de matériel ayant séjourné en Amérique du Sud est une des pistes actuellement investiguées.
Le dernier cas autochtone de morve dans ce pays remonte à 1955. Un cas importé, en provenance du Brésil, a été signalé en 2006.
La morve est une maladie bactérienne due à Burkholderia mallei qui touche principalement les équidés et qui, de façon occasionnelle, peut être transmise à l’Homme. Sous la pression d'une lutte sanitaire draconienne (mesures de dépistage et d'abattage des animaux infectés, restrictions à l’importation), la morve a disparu d’Europe, d’Amérique du Nord et d’Australie au cours de la première moitié du 20ème siècle. La maladie reste cependant enzootique en Afrique, en Asie, au Moyen Orient et en Amérique latine et une réémergence des épizooties est observée depuis 20 ans. Des foyers ont récemment été signalés dans un nombre croissant de pays : Brésil, Turquie, Iran, Irak, Pakistan, Inde, Mongolie, Emirats Arabes Unis, Bahreïn, Koweït, Liban, Syrie, Myanmar, Philippines, Fédération de Russie et Afghanistan. Des cas ont aussi été suspectés en Ethiopie, Mauritanie et Erythrée.
Les chevaux, les ânes et les mulets sont les seuls réservoirs naturels connus de B. mallei.
La transmission, facilitée par des contacts étroits entre animaux, est assurée majoritairement par voie respiratoire et orale (inhalation d’aérosols, ingestion d’eau ou de nourriture contaminées). La sueur, le jetage nasal et les exsudats issus des lésions d’un animal infecté peuvent contenir une grande quantité de B. mallei. La bactérie peut également pénétrer dans l’organisme par contact avec des lésions ou des abrasions de la peau ou par les muqueuses (par ex. inoculation par l'intermédiaire d'un harnais). Dans ce cas, une infection locale avec ulcération peut se développer et se disséminer à d’autres parties du corps lors de l’évolution de la maladie.
La période d'incubation varie de quelques jours à plusieurs mois. De mauvaises conditions d’entretien et d’alimentation, ainsi que le transport des animaux, sont des facteurs prédisposants.
Chez les équidés, trois formes de morve sont connues : i) le syndrome pulmonaire chronique avec toux et écoulement nasal muco-purulent, ii) une forme cutanée caractérisée par la formation de nodules multiples dans les tissus cutanés et d’abcès dans les tissus sous-cutanés le long des vaisseaux lymphatiques évoluant en ulcères cutanés, appelée Farcin, cette forme apparait d’abord sur les membres, puis sur le thorax et l’abdomen et iii) une forme septicémique grave avec frissons et prostration, létale en 1 à 2 semaines.
Contrairement aux ânes et mulets qui développent plutôt la forme septicémique, les chevaux présentent rarement cette forme aiguë de l’infection. Ils développent plus facilement des formes chroniques ou asymptomatiques dont l’évolution est insidieuse (avec abattement progressif, toux, malaise, dyspnée, fièvre intermittente, adénomégalie, jetage nasal chronique, ulcères et nodules). La forme chronique évolue lentement et est souvent mortelle au bout de plusieurs années. Les animaux atteints de formes chroniques et subcliniques, bien qu’en apparence sains, constituent des sources de contamination particulièrement dangereuses.
Le diagnostic clinique et bactériologique de la morve des équidés est difficile à établir. Dans les premiers stades de la maladie, peu de signes cliniques sont exprimés. Le dépistage de l’infection repose essentiellement sur le diagnostic sérologique (fixation du complément) et/ou allergique (malléination). Les méthodes de diagnostic sérologique (notamment la technique de fixation du complément) sont cependant délicates à interpréter (manque de sensibilité et de spécificité) et font l’objet de recherche afin de les améliorer.
Au prix d’efforts considérables, cette maladie a été éradiquée d’Europe, il y a plus de 50 ans. Le transport et le commerce internationaux des équidés sont soumis à conditions et le statut des animaux doit être certifié à l'égard de la morve. La technique de fixation du complément est, à ce jour, la seule méthode prescrite par l’OIE. Des foyers sont régulièrement rapportés au Moyen Orient et en Amérique du Sud. A l’heure de la mondialisation des échanges qui favorisent les émergences et la diffusion de maladies, il convient de rester vigilant.