Analyse des déclarations de troubles de santé à l’OMAA (2017-2021)
Groupe de suivi OMAA de la Plateforme ESA (par ordre alphabétique) : Adeline Alexandre (GDS France), Brigitte Barthelet (DRAAF), Samuel Boucher (SNGTV), Sophie Carles (INRAE), Axel Decourtye (ITSAP), Emilie Delmar (INRAE), Céline Dupuy (Anses), Florentine Giraud (FNOSAD), Marion Guinemer (ADA France), Marion Laurent (Anses), Agnès Ménage (FRGTV), Muriel Orlowski (DDecPP), Maryline Pioz (INRAE), Cédric Sourdeau (DGAl), Vincent Vanharen (GNTSA), Alain Viry (ADILVA), Sébastien Wendling (DGAl).
Auteur correspondant : emilie.delmar@inrae.fr
L’Observatoire des Mortalités et des Affaiblissements de l’Abeille mellifère (OMAA) est un système de surveillance innovant dont les objectifs sont de répondre aux constats de troubles de santé déclarés par les apiculteurs, de faire l’inventaire et l’analyse de la dynamique spatio-temporelle des mortalités et des affaiblissements des colonies d’abeilles domestiques en France métropolitaine, d’identifier les cas groupés et de lancer des alertes. Plus de 3 000 déclarations ont été enregistrées depuis son déploiement dans trois régions pilotes : la Bretagne et les Pays de la Loire en août 2017, la région Auvergne-Rhône-Alpes en avril 2019. Un premier article (L’OMAA : un système de surveillance innovant (plateforme-esa.fr)) a présenté l’évolution du nombre annuel de déclarations. Nous nous intéressons dans cet article à un échantillon de 2 504 déclarations portant sur des troubles constatés entre 2017 et 2021 et déclarés entre 2017 et 2022. Ces déclarations ont été sélectionnées sur le critère de complétude des informations collectées. Chaque déclaration correspond à un trouble observé sur un rucher. Les analyses décrites ci-dessous viennent compléter les analyses effectuées à l’échelle régionale depuis le déploiement de l’Observatoire et les restitutions aux apiculteurs organisées chaque année par les régions pilotes.
Profil des personnes qui déclarent des troubles de santé à l’OMAA
Les déclarants à l’OMAA ne sont pas toujours directement les apiculteurs même si cela a été le cas pour plus de 80 % des 2 504 déclarations (Tableau 1). Certaines déclarations ont été réalisées par des vétérinaires, des Techniciens Sanitaires Apicoles (TSA) ou des agents de DDecPP (Directions Départementales en charge de la Protection des Populations). Elles correspondaient par exemple à des détections de troubles lors des visites réalisées dans le cadre du suivi de Programmes Sanitaires d’Élevage (PSE) ou lors des visites de police sanitaire effectuées dans les zones réglementées autour d’un foyer mis sous arrêté préfectoral portant déclaration d’infection (APDI).
Tableau 1 : Profil des déclarants à l’OMAA, sur 2 504 déclarations de troubles constatés entre 2017 et 2021
Profil du déclarant |
Nombre de déclarations |
Pourcentage de déclarations |
Apiculteur |
2 024 |
80,8 % |
Vétérinaire |
276 |
11,0 % |
TSA |
62 |
2,5 % |
Agent d’une ADA |
49 |
2,0 % |
Agent de DDecPP |
44 |
1,8 % |
Agent de GDS ou GDSA |
13 |
0,5 % |
Autre* |
35 |
1,4 % |
Donnée non disponible |
1 |
0,0 % |
Total |
2 504 |
100 % |
*Par exemple agents communaux, voisins ou amis d’apiculteurs.
Qui sont les apiculteurs qui contactent l’OMAA ?Image
Parmi les 2 024 déclarations faites directement par les apiculteurs, l’identifiant de l’apiculteur, permettant de déterminer si celui-ci a contacté l’OMAA plusieurs fois, n’est disponible que sur 887 déclarations de troubles constatés entre 2017 et 2021 en Pays de la Loire (458) et en Bretagne (429). Il n’a pas été renseigné en région Auvergne-Rhône-Alpes sur la période considérée. Cette donnée nous permet de constater que 644 apiculteurs différents ont été à l’origine de ces 887 déclarations. La majorité de ces apiculteurs (84,5 %) étaient des apiculteurs producteurs familiaux, 6,8 % des apiculteurs pluri-actifs et 8,7 % des apiculteurs professionnels possédant 150 colonies ou plus (Figure 1). Figure 1 : Profils des apiculteurs qui ont contacté l’OMAA, sur 887 déclarations de troubles constatés entre 2017 et 2021 en Pays de la Loire et en Bretagne Si l’on s’intéresse au profil des apiculteurs de ces 887 déclarations par année entre 2018 et 2021 (années au cours desquelles elles ont été enregistrées), le pourcentage d’apiculteurs professionnels ayant contacté l’OMAA a chaque année été supérieur au pourcentage d’apiculteurs professionnels recensé dans ces deux régions via la télédéclaration des ruchers (source des données de télédéclaration : DGAl). Une proportion d’apiculteurs professionnels plus importante que dans la population générale est donc observée parmi les apiculteurs déclarants à l’OMAA sur cette sélection de données. |
Exploitations apicoles concernées par les troubles déclarés à l’OMAA
Sur les 2 504 déclarations de troubles constatés entre 2017 et 2021, 1 839 (73,4 %) concernaient des exploitations apicoles de 1 à 49 colonies, 229 (9,1 %) des exploitations de 50 à 149 colonies et 433 (17,3 %) des exploitations de 150 colonies ou plus. La taille de l’exploitation n’a pas été renseignée pour 3 déclarations (0,1 %).
Cependant, une même exploitation a pu être concernée par plusieurs déclarations si, par exemple, l’apiculteur a contacté l’OMAA à plusieurs reprises. L’identifiant de l’apiculteur n’est disponible que sur 1 122 déclarations concernant des troubles constatés entre 2017 et 2021 en Pays de la Loire (625) et en Bretagne (497). Cette donnée n’a pas été renseignée en région Auvergne-Rhône-Alpes sur la période considérée mais elle est désormais collectée systématiquement. Elle nous permet de mettre en évidence que les 1 122 troubles déclarés ont été observés dans 803 exploitations différentes (Tableau 2). 81,3 % d’entre elles n’ont été concernées que par une déclaration à l’OMAA.
Tableau 2 : Nombre de déclarations à l’OMAA par exploitation apicole, sur 1 122 déclarations de troubles à l’OMAA constatés entre 2017 et 2021 en Bretagne et en Pays de la Loire (NB : 1 trouble correspond à 1 déclaration)
Nombre de déclarations à l’OMAA |
Nombre d’exploitations |
Pourcentage d’exploitations |
1 |
653 |
81,3 % |
2 |
96 |
12,0 % |
3 |
34 |
4,2 % |
4 ou plus |
20 |
2,5 % |
Total |
803 |
100,0 % |
Le maximum de déclarations enregistrées pour une même exploitation est de 32. Sachant qu’une déclaration correspond à un trouble sur un rucher, il peut être utile de préciser que le constat de troubles sur plusieurs ruchers d’un même apiculteur conduit à l’enregistrement de plusieurs déclarations.
Répartition spatio-temporelle des troubles déclarés à l’OMAA
La Figure 2 présente le nombre mensuel de troubles constatés entre 2017 et 2021 correspondant aux 2 504 déclarations. Une saisonnalité est observée avec une augmentation des constats de troubles entre mars et juin, ce qui correspond à une période d’intense activité apicole. Cette saisonnalité est retrouvée à l’échelle de chaque région.
Certaines tendances ont toutefois été différentes selon les régions. Le pic de constats des mois de mars et avril 2018 est lié à une mobilisation importante des apiculteurs bretons, suite à un hiver rude et un épisode de mortalités hivernales particulièrement marqué (146 déclarations en mars et 89 en avril en Bretagne). Les mortalités observées sur tous les ruchers des apiculteurs qui contactaient l’OMAA ont alors été enregistrées. Cet épisode, observé en Bretagne et dans d’autres régions, a conduit à la mise en place de l’Enquête Nationale de Mortalité Hivernale des colonies d’Abeilles (ENMHA). Cette enquête a permis d’estimer une mortalité hivernale à l’hiver 2017-2018 supérieure à 30% en Bretagne, plus élevée que celle estimée les années suivantes de l’enquête.
Parmi les 60 troubles constatés en décembre 2021, 43 concernaient la région Auvergne-Rhône-Alpes. Le contexte climatique de 2021, très défavorable à l’activité apicole, a eu pour conséquence dans certains cas critiques des mises en hivernage de colonies affaiblies ou dépeuplées. Dans ces situations, toute défaillance dans la lutte contre Varroa (choix de traitement non pertinent, non-respect des consignes d’utilisation, problèmes de résistance) a été fatale et une forte proportion de mortalités hivernales a été observée.
Figure 2 : Nombre mensuel de troubles constatés entre 2017 et 2021, sur 2 504 déclarations à l’OMAA enregistrées dans les 3 régions où le dispositif est déployé (NB : 1 trouble correspond à 1 déclaration).
Des cartographies représentant le pourcentage de colonies d’un département atteintes par un trouble déclaré à l’OMAA sont disponibles en Figure 3. La cartographie de l’année 2017 n’a pas été intégrée à la Figure 3 car il s’agit d’une année incomplète (déploiement en Bretagne et Pays de la Loire à partir d’août). L’ensemble des départements des deux régions présente cependant cette année-là un pourcentage de colonies atteintes situé entre 0 et 1 %.
Plusieurs biais potentiels sont à considérer avant d’interpréter ces cartographies :
- Pour chaque département, le nombre total de colonies a été identifié sur la base des résultats de la télédéclaration annuelle des colonies, via l’utilisation du code postal du déclarant (source : DGAl). Or, la totalité des colonies d’un apiculteur peut ne pas être située dans son département de résidence.(1)
- La télédéclaration annuelle est réalisée entre septembre et fin décembre de chaque année, l’apiculteur déclarant le nombre de colonies vivantes le jour de la déclaration, alors que le nombre de colonies atteintes par un trouble déclaré à l’OMAA est compilé sur l’année. Ainsi ces deux chiffres ne se rapportent pas à la même période temporelle.
- Il est possible que des apiculteurs ne télédéclarent pas leurs colonies annuellement bien que cela soit obligatoire.
- Tous les apiculteurs ayant rencontré des troubles de santé ne les ont pas forcément déclarés à l’OMAA.
- Enfin une même colonie atteinte plusieurs fois est indifférenciable dans les données.
Ces facteurs peuvent conduire à une estimation biaisée du pourcentage dans les cartographies. Malgré cela, nous choisissons d’évoquer les phénomènes visualisables, mais un travail complémentaire est nécessaire au sein du Groupe de Suivi de la Plateforme d’Epidémiosurveillance en Santé Animale (ESA) afin de proposer à l’avenir des cartographies plus représentatives de la répartition spatiale des troubles.
Figure 3 : Pourcentage de colonies atteintes par un trouble déclaré à l’OMAA selon l’année de constatation du trouble entre 2017 et 2021 (nombre de colonies atteintes divisé par le nombre de colonies télédéclarées), dans les 3 régions où il est déployé.
Pour plus de détails, un tableau synthétisant le nombre de colonies atteintes d’après les déclarations à l’OMAA et le nombre de colonies télédéclarées, par région et par an, est disponible en Annexe 1.
En 2018, le phénomène de mortalités hivernales marqué en Bretagne est identifiable (Figure 2). On note une coloration de l’Allier cette même année dans la région Auvergne-Rhône-Alpes, qui n’a pourtant déployé le dispositif qu’en 2019. Cela est lié au fait que des troubles déclarés en 2019 avaient été constatés en 2018.
En 2019, le nombre élevé de déclarations recensées en Loire-Atlantique correspond à des troubles signalés par des apiculteurs professionnels sur l’ensemble de leurs ruchers, dans le cadre de demandes d’aides financières à la reconstitution de cheptel. Si ces demandes ont lieu chaque année, seuls les troubles les plus impactants ont été enregistrés à l’OMAA les années suivantes.
Dans les départements du Rhône et de la Drôme, la campagne 2019 a été marquée par des températures élevées en février qui ont favorisé le développement des colonies, suivies ensuite d’une baisse importante des températures, de l’apparition de gel accompagné de vents forts rendant l’activité de butinage difficile. Cela s’est traduit par l’enregistrement de famines printanières non anticipées dans les déclarations à l’OMAA. L’été a ensuite été caniculaire dans ces deux départements. Les lavandes de la Drôme déjà très perturbées par le gel de printemps ont produit moins de nectar que d’habitude et sur une plus courte période. Les abeilles se sont épuisées à butiner une ressource amoindrie par des températures extrêmes, engendrant des dépopulations groupées de ruchers sur le sud de la Drôme.
En 2021, la majorité des déclarations enregistrées dans les départements de l’Allier et du Cantal étaient la conséquence d’infestations de Varroa mal contrôlées, aggravées dans plus de 10% des cas par des infections virales, notamment de paralysie chronique. Dans près d’un quart des situations une problématique zootechnique a pu être mise en évidence concernant principalement de très petits ruchers (1 à 6 colonies).
Orientation des déclarations à l’OMAA vers les dispositifs de surveillance
En fonction des éléments relevés par le répartiteur(2) lors des déclarations téléphoniques et des troubles suspectés, le cas peut être orienté vers l’un des trois dispositifs de surveillance suivants :
- Le dispositif de surveillance des maladies réglementées dans le cadre de la police sanitaire dont le gestionnaire est l’Etat (anciennement appelé dispositif de surveillance des Dangers Sanitaires de 1ère catégorie). Sur cette période, il concerne quatre maladies(3) : la loque américaine à Paenibacillus larvae, l’infestation par le petit coléoptère des ruches Aethina tumida, la nosémose à Nosema apis, l’infestation par les acariens Tropilaelaps spp.
- Le dispositif de surveillance des mortalités massives aiguës d’abeilles avec suspicion d’intoxication dont le gestionnaire est l’Etat. Un rucher est considéré comme atteint d'une mortalité massive aiguë d’abeilles adultes lorsque, brutalement et sur une période inférieure à 15 jours, au moins 20 % des colonies ; ou au moins 1 colonie lorsque le rucher en compte 2 à 5 ; ou 2 lorsqu'il en compte 6 à 10 ; sont atteintes de mortalité massive aiguë d’abeilles adultes. La définition précise de ce type de mortalité est disponible dans l’instruction technique DGAL/SASPP/2018-444 du 12/06/2018 (https://info.agriculture.gouv.fr/gedei/site/bo-agri/instruction-2018-444).
- Le dispositif de surveillance des « Autres troubles » pour les déclarations n’entrant pas dans le champ des deux précédents dispositifs de surveillance. Contrairement aux deux premiers dispositifs d’envergure nationale, ce nouveau dispositif a été mis en place spécifiquement dans les 3 régions pilotes lors du déploiement de l’OMAA.
La répartition des orientations est présentée en Figure 4. Parmi les 2 504 déclarations de troubles constatés entre 2017 et 2021, la grande majorité (79,4 %, n=1 989) a été orientée vers le dispositif de surveillance des « Autres troubles ». La mise en place de ce dispositif dans les trois régions pilotes a donc permis de recenser et prendre en charge beaucoup de troubles non signalés habituellement. La même tendance a été observée chaque année, avec des variations selon les années comprises entre - 7,0 % et + 8,2 % pour le dispositif de surveillance des « Autres troubles », -5,5 % et + 4,7 % pour le dispositif de surveillance des maladies réglementées, -3,7 % et + 2,5 % pour le dispositif de surveillance des mortalités massives aiguës d’abeilles.
Figure 4 : Pourcentage et nombre de troubles orientés vers chacun des dispositifs de surveillance, sur 2 504 déclarations de troubles constatés entre 2017 et 2021 enregistrées dans les 3 régions où l’OMAA était déployé.
La Figure 5 présente le nombre mensuel de troubles orientés vers chacun des trois dispositifs de surveillance toutes années confondues. Il est intéressant de constater que si les suspicions de maladies réglementées et d’« Autres troubles » sont réparties tout au long de l’année (voir détails en Figure 6 pour les « Autres troubles »), les suspicions de mortalités massives aiguës ont davantage été constatées sur les mois d’avril, mai et juin.
Figure 5 : Nombre mensuel de troubles constatés entre 2017 et 2021, orientés vers chacun des dispositifs de surveillance, sur 2 504 déclarations à l’OMAA enregistrées dans les 3 régions où le dispositif est déployé (AT : Autres troubles ; MMA : Mortalités Massives aiguës ; MR : Maladies réglementées ; NB : 1 trouble correspond à 1 déclaration)
Focus sur le dispositif de surveillance des maladies réglementées
Parmi les 2 504 déclarations de troubles constatés entre 2017 à 2021, 278 ont été orientées vers le dispositif de surveillance des maladies réglementées. Le détail de la suspicion était disponible pour 149 de ces 278 déclarations (93 en Bretagne, 56 en Pays de la Loire) (Tableau 3) : 88,6 % correspondaient à une suspicion de loque américaine.
Tableau 3 : Suspicion du répartiteur sur 149 déclarations de troubles orientées vers le dispositif de surveillance des maladies réglementées, constatés entre 2017 et 2021 en Bretagne et Pays de la Loire et pour lesquels le motif de suspicion était renseigné
Suspicion du répartiteur |
Nombre de déclarations |
Pourcentage de déclarations |
Loque américaine (Paenibacillus larvae) |
132 |
88,6 % |
Nosémose à Nosema apis |
10 |
6,7 % |
Petit coléoptère des ruches (Aethina tumida) |
7 |
4,7 % |
Acariens Tropilaelaps spp. |
0 |
0,0 % |
Total |
149 |
100 % |
Le dispositif de surveillance des maladies réglementées, mis en œuvre par les DDecPP des trois régions, a pris en charge l’ensemble de ces déclarations. Des investigations sur les ruchers correspondants ont été réalisées. Aucune des suspicions d’Aethina tumida n’a conduit à la détection effective du coléoptère.
Focus sur le dispositif de surveillance des mortalités massives aiguës
Parmi les 2 504 troubles constatés entre 2017 à 2021 et déclarés à l’OMAA, 237 ont été orientés vers le dispositif des mortalités massives aiguës. Plus de 70% de ces troubles (71,7 %) ont été constatés entre avril et juin inclus, alors que seulement un tiers des troubles orientés vers le dispositif « Autres troubles » (33,4 %) et moins de 50 % des troubles orientés vers le dispositif des maladies réglementées (44,6 %) ont été constatés durant ces 3 mois.
Le dispositif de surveillance des mortalités massives aiguës est mis en œuvre par les Services Régionaux de l’Alimentation (SRAL). Ces services ont pu déclencher dans les trois régions des enquêtes environnementales autour des ruchers lorsque cela était nécessaire.
Focus sur le dispositif de surveillance des « Autres troubles »
La Figure 6 présente le nombre mensuel de troubles constatés entre 2017 et 2021 et orientés vers le dispositif de surveillance des « Autres troubles ». Les mois de mars ont enregistré chaque année des déclarations de mortalités hivernales à la suite des visites sanitaires de printemps des apiculteurs. Au mois de décembre, les visites dédiées aux comptages de Varroa et aux traitements de rattrapage ont également été l’occasion de détecter des anomalies. Les pics observés sur les mois de mars et avril 2018 et de décembre 2021 correspondent aux épisodes décrits dans le paragraphe « Répartition spatio-temporelle des troubles déclarés à l’OMAA ».
Figure 6 : Nombre mensuel de troubles constatés entre 2017 et 2021 et orientés « Autres troubles », sur 2 504 déclarations à l’OMAA enregistrées dans les 3 régions où le dispositif est déployé (NB : 1 trouble correspond à 1 déclaration)
A la fin de la déclaration téléphonique, le répartiteur renseigne les principaux problèmes identifiés sur le rucher d’après les dires du déclarant, en sélectionnant parmi une liste pré-définie. Sur les 1 989 déclarations orientées vers le dispositif de surveillance des « Autres troubles », au moins un problème a été renseigné pour 59,3 % d’entre elles provenant de la Bretagne (559 déclarations) et des Pays de la Loire (620 déclarations) (Figure 7). Cette information n’a pas été renseignée par les trois régions pilotes dès le démarrage de l’OMAA. Pour une même déclaration, le répartiteur pouvait identifier et sélectionner plusieurs problèmes différents. Le nombre total de problèmes recensés est donc supérieur au nombre de déclarations (1 479 problèmes pour 1 179 déclarations).
Figure 7 : Principaux problèmes identifiés (n= 1 479) par le répartiteur d’après les dires du déclarant, sur 1 179 troubles déclarés à l’OMAA et orientés « Autres troubles », constatés en Bretagne et Pays de la Loire entre 2017 et 2021 (NB : 1 trouble correspond à 1 déclaration ; 1 trouble peut être associé à plusieurs problèmes)
Les problèmes les plus fréquemment identifiés par les répartiteurs à la fin de l’échange téléphonique étaient la mortalité (62,8 % des déclarations) avec des abeilles mortes à l’intérieur ou à l’extérieur de la ruche ou des ruches vides par exemple, les anomalies de couvain (19,3 % des déclarations) et les anomalies de développement de la colonie (19,3 % des déclarations). Il est important de rappeler que les mortalités ne correspondaient pas aux définitions des cas orientés vers les deux autres dispositifs de surveillance. En particulier, il ne s’agissait pas de mortalités massives aiguës d’abeilles.
Sur les 740 déclarations pour lesquelles la mortalité a été identifiée comme principal problème par le répartiteur, d’autres problèmes étaient aussi identifiés pour 17,1% d’entre elles (127). Les plus fréquents étaient des comportements anormaux d’abeilles adultes (56 déclarations), des anomalies de développement de la colonie (42 déclarations) et des anomalies de couvain (29 déclarations). La cohérence entre les principaux problèmes retenus et l’ensemble des symptômes observés par le déclarant sera étudiée de manière plus approfondie dans les mois à venir.
A la suite de ces 1 989 déclarations adressées au dispositif de surveillance des « Autres troubles », 717 investigations sur les ruchers ont été mises en œuvre dans le cadre de l’OMAA (36,0 % des déclarations). Une récolte d’informations plus précise a eu lieu lors de ces visites. Il n’a parfois pas été possible ou nécessaire de déclencher une investigation, par exemple lorsque le délai entre le constat du trouble et la déclaration était trop long, lorsque le cas avait déjà été résolu par l’apiculteur ou suite à la conversation téléphonique avec le répartiteur, lorsque l’apiculteur ne le souhaitait pas ou lorsque l’investigation était menée dans un autre cadre que celui de l’OMAA.
Conclusion
Dans le cadre de la phase pilote de l’OMAA, plus de 80 % des déclarations de troubles constatés entre 2017 et 2021 ont été faites directement par les apiculteurs. Si la majorité des apiculteurs déclarants étaient des apiculteurs producteurs familiaux, une proportion d’apiculteurs professionnels plus importante que dans la population nationale est retrouvée. Une des raisons pourrait être qu’ils possèdent plus de colonies et que la probabilité de constater un trouble est donc plus élevée. En termes de nombre de colonies, tous les types d’exploitations apicoles ont été touchés par des troubles. Une même exploitation a pu être concernée par plusieurs déclarations de troubles mais dans plus de 80 % des cas, une seule déclaration a été enregistrée par exploitation.
La déclaration des troubles se fait tout au long de l’année. Cependant des atteintes localisées dans le temps et l’espace d’un nombre important de colonies sont visualisables à l’échelle des départements en fonction des années. Ces atteintes localisées ont toutes été prises en charge par les régions et les causes ont été identifiées. Un travail d’interprétation supplémentaire sera pertinent pour mieux comprendre ces évènements et mieux appréhender de nouvelles atteintes.
En ce qui concerne l’orientation des déclarations, 11,1 % ont été orientées vers le dispositif de surveillance des maladies réglementées et 9,5 % vers le dispositif de surveillance des mortalités massives aiguës (9,5 %) pour une prise en charge par les services de l’Etat. La majorité des déclarations (79,4 %) a été orientée vers le dispositif de surveillance des « Autres troubles », ce qui souligne l’intérêt d’avoir déployé ce dispositif dans les trois régions pilotes. Il a permis le recensement et la prise en charge d’un grand nombre de troubles non signalés habituellement, n’entrant pas dans le champ des deux dispositifs mis en œuvre par les services de l’Etat.
Pour les déclarations orientées « Autres troubles », la mortalité a été le principal problème identifié par les répartiteurs, après synthèse des informations transmises par le déclarant. Il peut être intéressant de rappeler qu’au-delà des mortalités, les phénomènes d’affaiblissement des colonies permettent également la récolte d’informations pertinentes et que la déclaration précoce de ces événements est recommandée. Les signes d’affaiblissement peuvent cependant être plus difficiles à détecter par les apiculteurs. Plusieurs autres données récoltées lors de ces appels seront analysées pour affiner les problématiques rencontrées par les déclarants. Plus de 700 investigations sur les ruchers ont été déclenchées à la suite de l’orientation des déclarations vers le dispositif des « Autres troubles ». Les premiers résultats issus de l’analyse des données récoltées lors de ces investigations seront présentés dans un prochain article.
La déclaration des troubles rencontrés par les apiculteurs reste primordiale pour permettre à terme la détection de phénomènes anormaux et le déclenchement d’alertes en cas d’évènements de santé groupés dans le temps ou dans l’espace.
Notes
(1) Cette situation n’est pas la plus fréquente : dans la télédéclaration des ruchers 2021, cela concerne entre 7,0 % et 14,9 % des apiculteurs dans les trois régions où l’OMAA est déployé.
(2) Les répartiteurs des guichets uniques sont les vétérinaires formés en apiculture et pathologie apicole qui réceptionnent les déclarations et les orientent vers le dispositif de surveillance adapté.
(3) La nouvelle Loi de Santé Animale n’est pas encore en vigueur à la date de rédaction de cet article.
ANNEXE
Annexe 1 : Nombre de colonies télédéclarées (source : DGAl) et nombre de colonies atteintes d’après les déclarations à l’OMAA par région et par an, sur 2 504 déclarations de troubles constatés entre 2017 et 2021 dans les 3 régions où le dispositif était déployé